L'ombre d'Hannibal

« Les provinces se prennent par la force, mais se gouvernent par le droit. Elles sont faciles à conquérir, difficiles à conserver … »

Je voudrais dire aux touristes tout autour de moi : envoyez donc promener vos guides et vos voyages organisés, construisez vous-même vos sentiers invisibles. Retrouvez la dimention fantastique du voyage.

C'est ici aussi que Rome – au IIIe siècle – se heurte à un phénomène oriental, ou plutôt "grec" : le stratagème, la ruse de guerre, faite pour surprendre l'adversaire par un mouvement auquel il ne s'attend pas. "Stratagème" est le mot qui résume les défaites de la Trébie et du lac Trasimène, la moquerie de Callicula, mais surtout la déroute de Cannes. En latin, ce terme n'existe pas, ce qui indique bien qu'au cours de cette phase de la République romaine, on ne songeait pas encore à mettre de la finesse dans la guerre. Voilà pourquoi ce malin d'Hannibal – si étroitement lié à la culture hellénistique – est pour les Romains le "perfidus" par antonomase. Le violeur de la "fides", un mot qui en latin signifie "confiance".

« Tu crois qu’on est fous ? » dis-je à mon compagnon après un long silence.
La voix de mon Hannibal sort de l’obscurité : « Tout ceci est magnifique.»
Puis, il murmure : « Si on poursuit un mythe, c’est normal de s’égarer.»
Il y a dans l’air une forte odeur d’absinthe.
J’objecte : « Mais aujourd’hui, le mythe n’existe plus. Personne ne le cherche. » Et lui : « La mort du mythe est le phénomène le plus obscène des temps modernes. C’est la fin de l’enchantement, de l’imagination, du désir.»

Comment ne pas se demander ce qui a pu défigurer ainsi l’ancienne vertu romaine au cœur même de sa gloire ? Le Vatican ? Le luxe des derniers empereurs ? L’absence d’une réforme protestante ? La faible présence d’un sang nouveau venu des barbares ? Ou bien peut-être que ce qui rend aussi intolérable l’Italie contemporaine, c’est tout simplement la dimension légendaire de mon voyage et le désarroi que j’éprouve chaque fois que je dois en sortir ?

La petite écoute en silence, il n’existe pas un jeu vidéo, ni un dessin animé japonais qui vaille une bonne histoire.

« En 146, on a fait disparaitre une civilisation sublime qui avait diffusé dans tout l’Occident l’alphabet, le verre, la pourpre, la navigation, le commerce. Un système qui ne comportait ni armées, ni invasions, rien que des marchands et des marins.»

Ah, l’ « otium », noble mot que ce mot-là ! Mais où est-il écrit que l’oisiveté est l’apanage des bons à rien ? En latin, le mot signifie tout autre chose, à savoir : « temps libre utilement employé », à l’étude, au jardinage, aux promenades. C’est la plus sublime des activités humaines. Sinon, notre labeur quotidien ne serait pas désigné par le mot « negotium », c’est-à-dire dégradation (ou négation) de l’ « otium », de l’oisiveté.

Ah, l'otium, noble mot que ce mot-là ! Mais où est-il écrit que l'oisiveté est l'apanage des bons à rien ? En latin le mot signifie tout autre chose, à savoir : "temps libre utilement employé", à l'étude, au jardinage, aux promenades.C'est la plus sublime des activités humaines. Sinon, notre labeur quotidien ne serait pas désigné par le mot negotium, c-à-d négation de l'otium, de l'oisiveté.

Soixante mille morts (...) le double d'Austerlitz. Davantage que le nombre de morts américains pendant toutes les années de guerre au Vietnam. Cannes est le plus épouvantable massacre du monde antique