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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il y a dans les romans de Salman Rushdie ce petit quelque chose qui m'emporte, m'enchante, m'éblouit, me réjouit, me passionne, m'émerveille, bref... m'enthousiasme tant que je reste sans voix lorsqu'il s'agit de raconter l'histoire ou d'exprimer ce qui me plaît tant dans ses récits. D'ailleurs, est-ce bien raisonnable de se lancer dans une tentative de résumé de ce fabuleux roman sachant qu'il sera forcément parcellaire et donc un peu faux ? Car, voyez-vous, comme je l'ai déjà dit dans mon avis sur L'enchanteresse de Florence, Salman Rushdie est un magicien des mots : il écrit des histoires où s'entremêlent faits et personnages réels et fictifs et en fait un conte où magie, surréalisme et réalité se côtoient comme de vieux amis.

Bon, essayons tout de même de dire quelques mots sur l'histoire.
Moares Zogoiby dit "Le Maure", narrateur époustouflant de cette saga familiale nous embarque dans un voyage exceptionnel et les personnages rencontrés tout au long du récit sont inoubliables. Né doublement handicapé, le Maure devra vivre avec une main difforme en forme de marteau toute sa vie qui, par malchance, s'écoule deux fois plus vite que la normale. Sa mère, Aurora de Gama, est, elle, éblouissante, enchanteresse, solaire, dotée d'un dynamisme contagieux qui se reflète dans les peintures qu'elle produit. Mais elle est surtout égoïste, venimeuse, source de bien d'envies et convoitises de la part des personnes qui gravitent autour d'elle, elle brise les coeurs sans même s'en apercevoir (ou plutôt sans s'en soucier) ! Et ce ne sont pas ses enfants qui diront le contraire : préoccupée de sa seule gloire, elle néglige ses trois filles Ina, Minnie et Mynah qui d'ailleurs, dès leur naissance, ce sont vues affubler de noms raccourcis et son fils n'est rien de moins que son jouet/modèle grâce auquel elle sortira sa plus fabuleuse série de tableaux. Quant à son père, Abraham, escroc de grande ampleur, il fait bien pâle figure devant sa femme... Rien d'étonnant alors à ce que Moares soit totalement subjugué par sa mère et tentera par tous les moyens de se défaire de son implacable emprise...

Pourquoi ai-je été totalement conquise ?
* Parce que ce roman m'a entraînée dans une course folle à travers plusieurs générations : des côtes de Malabar au Sud de l'Inde, à Bombay puis en Espagne, la famille Gama-Zogoiby ne manque pas de souffle ni de dynamisme !
* Parce que c'est merveilleusement bien écrit (une pensée pour la traductrice qui a dû en baver !), que les odeurs, les couleurs, les sons sont décrits avec brio, que j'aime cette façon qu'à Salman Rushdie de me perdre totalement avec ses tergiversations, ses digressions, ses circonvolutions autour d'un récit parfois bien difficile à suivre.
* Parce que c'est bourré d'humour acide totalement irrésistible.
* Parce que Salman Rushdie mêle si bien les faits réels à la fiction que je me suis beaucoup amusée à tenter de détacher le vrai du faux, les personnages fictifs des personnages imaginaires...
* Et enfin, parce que sous un habit de critique caustique de l'Inde, ce livre en est un merveilleux hommage. La "Mother India" y apparaît dans toute sa splendeur, son histoire, ses légendes et ses travers.
A lire !
Lien : http://loumanolit.canalblog...
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Comme il l'explique dans son autobiographie, "Le dernier soupir du Maure" est le premier roman (pour adulte) que Salman Rushdie a écrit après l'affaire des Versets Sataniques. Au delà des conditions complexes dues à son itinérance forcée, ce roman est un tour de force, un tourbillon qui prend le lecteur par la main et l'entraîne des ruelles de Cochin aux plantations de poivre de Goa, en passant par les immeubles de la finance internationale de Bombay. C'est pimenté, coloré, étourdissant, souvent drôle et toujours passionnant.
Ecrire ce roman était pour Rushide l'occasion de rendre hommage à ses parents, sa famille, et au delà, à la grande nation indienne, en retraçant un siècle de son histoire : depuis sa libération de l'empire britannique, en passant par l'état d'urgence des années 70 jusqu'à nos jours. Au détour des péripéties de ses personnages de fiction, on découvre (et on comprend !) l'histoire de l'Inde, avec les grandes figures que furent Nehru et Indira Gandhi. Un vrai régal.
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Roman de Salman Rushdie. Lettre R de mon Challenge ABC.

Moares Gama-Zogoiby est le narrateur d'une surprenante histoire: la sienne et celle de sa famille. Son récit commence bien avant sa naissance. Il se réclame, ainsi que son ascendance, de l'illustre Vasco de Gama. Dans une famille où l'excès et la différence sont monnaie courante, il trouve sa juste place. Biographe familial cynique, tendre, ingrat, révolté ou désabusé, il dresse aussi un portrait vitriolé de l'Inde, avant et après la domination anglaise, dans laquelle des personnages comme Gandhi ou Nehru ont des rôles bien moins grands que ceux qu'ils jouent dans la famille Gama-Zogoiby.

Malchanceux, le Maure l'est dès sa naissance. Fils d'Aurora,une héritière et artiste de génie mais femme de peu de coeur et d'Abraham, juif de Cochin, escroc et soumis à son épouse, Moares, dit le Maure, se distingue à plus d'un titre. Né très largement avant terme, affublé d'une main difforme, il est soumis à un vieillissement deux fois supérieur à la norme. Malchanceux par son nom, malchanceux par son ascendance, il fait aussi des choix malheureux. Il semblerait qu'il s'entête à suivre la voie barrée pour mieux se fourrer dans des situations impossibles. Il échappe de peu au contrat malhonnête que son père passe avec sa grand-mère, mais c'est pour mieux devenir la créature de sa mère, à la fois adorée et détestée, réclamée et repoussée.

Aurora de Gama est belle, impertinente, gourmande et dynamique. Fille adorée d'un père faible et brisée par la mort de sa femme, elle a grandi sans autorité, et a gardé de son enfance une insouciance, une liberté et une volonté à toute épreuve. Elle attire les regards et les convoitises des hommes et des femmes. Entourée d'artistes, dont le peintre Vasco de Miranda qu'elle rendra désespérement fou d'amour, elle gravite au centre d'un univers où tout lui est consacré. Son fils n'est qu'un joyau de plus dans son coffre aux trésors.

Dernier-né d'une fatrie de filles, Moares grandit entouré de trois soeurs dont les prénoms tronqués ou déformés tendent à se confondre pour créer une seule entité sororale, polymorphe et inquiétante. Ina, Minnie et Mynah connaissent des destins sublimes et décadents. Toutes les femmes que fréquentent le Maure portent en elles un germe d'auto-destruction. Entre Dilly Hormuz, sa préceptrice et première amante, et sa fiancée perdue, la superbe et courageuse Nadia Wadia, le Maure connaît l'éblouissement des sens et du coeur auprès d'Uma Sarasvati. La jeune femme, sculpteur au talent naissant, est passionnément attirée et obsédée par Aurora, la pétulante et charismatique maman du Maure. Entre les deux femmes commencent malgré tout un combat dont l'enjeu est Moares.

Moares est aussi un boxeur surprenant même s'il utilise sur le tard son talent destructeur. Pendant des années, il travaille dans l'entreprise parternelle, prétendument la vente de talc pour bébés, même s'il est de notoriété publique qu'Abraham Zogoiby est un magnat de la drogue indienne.

Que cette lecture a été ardue! Voilà un livre qui ne se laisse pas faire! Les cent premières pages, loin d'être déplaisantes, riches d'un humour caustique et de détails savoureux, m'ont cependant parues interminables. Il est absolument insupportable d'attendre aussi longtemps pour arriver au coeur du sujet. Avant d'en venir au personnage principal, il faut d'abord faire connaissance - et en profondeur! - avec deux générations d'aïeux dont les aventures picaresques nous entraînent bien loin du sujet principal. A moins que le sujet principal ne soit qu'un prétexte pour dessiner une saga familiale qui ne se comprend que dans l'ampleur et la démesure!

Le motif récurrent du dernier soupir du Maure, traité par le texte et par l'image, est intelligemment disséminé au fil des pages. Ca donne envie de relire Chateaubriand! Aurora est un personnage fabuleux mais il aurait été encore plus fabuleux qu'elle ait existé et qu'elle ait peint les toiles dont les descriptions accompagnent chaque épisode de l'histoire de la vie de Moares. Les représentations qu'elle fait d'elle et de son fils sont allégoriques, psychédéliques, iconoclastes, blasphématoires. Cela aurait un délice de les avoir sous les yeux!

Je suis toujours très sensible à la synesthésie d'un texte. J'avais beaucoup apprécié la lecture du Parfum de Patrice Süskind, pour le talent dont l'auteur a fait preuve pour convertir les mots en odeurs. Dans le texte de Salman Rushdie, j'ai retrouvé le même talent. de la première étreinte enivrante entre Aurora et Abraham sur des sacs de poivre, de cardamome et de cumin aux promenades dans les dédales de Bombay, on respire l'Inde onirique de l'explorateur Vasco de Gama, pays merveilleux d'épices et de tissus éblouissants. "De grands arbres généalogiques issus de petites graines: il convient, n'est-ce-pas, que mon) histoire personnelle, l'histoire de la création de Moares Zogoiby, ait son origine dans le retard d'un chargement de poivre?" (p.85) Une petite graine de poivre comme un grain de sable qui change le fonctionnement classique de la machine.

Superbe hommage à l'Inde, portrait à l'acide également. L'auteur n'épargne pas son pays d'origine! "L'Inde Mère avec son faste criard et son mouvement inépuisable, l'Inde Mère qui aimait, trahissait, mangeait et dévorait ses enfants puis qui les aimait de nouveau, ses enfants dont les relations passionnées et les querelles sans fin allaient bien au-delà de la mort; elles s'étendaient dans les immenses montagnes comme des exclamations de l'âme, et le long des larges fleuves charriant miséricorde et maladie, et sur les plateaux arides ravagés par la sécheresse sur lesquels des hommes entamaient la terre stérile à la pioche; l'Inde Mère avec ses océans, ses palmiers, ses rizières, ses buffles aux trous d'eau, ses grues aux cous comme des portemanteaux perchées sur la cime des arbres, et des cerfs-volants tournant hauts dans le ciel, et les mainates imitateurs, la brutalité des corbeaux au bec jaune, une Inde Mère protéenne qui pouvait devenir monstrueuse, qui pouvait n'être qu'un ver sortant de la mer [...], qui pouvait devenir meurtrière, qui dansait avec la langue de Kali et le regard qui louche pendant que mourraient les multitudes; mais au-dessus de tout, au centre exact du plafond, au point où convergeaient les lignes de toutes les cornes d'abondance, l'Inde Mère avec le visage de Belle." (p. 77)

L'Orient et l'Inde, ce ne sont pas des zones géographiques vers lesquelles mes pas se porteraient naturellement, encore moins ma curiosité. Je n'y connais pas grand choses, que ce soit en terme de culture, de religion, de spiritualité, d'histoire, et que ne sais-je pas encore! Je pense sans aucun doute que de grandes choses m'ont échappées pendant la lecture, des finesses culturelles, des anecdotes, des traits d'humour, des vitupérations politiques et historiques, ... Devant une telle oeuvre, on se sent humble. Moi, je me suis sentie toute petite. le texte foisonne, se développe, bondit et repart en arrière, entre analepses fulgurantes et digressions labyrinthiques. Il y a un peu du récit de Shéhérazade, un peu des Mille et une nuits dans ce texte qui semble ne pas vouloir finir. Et les cent dernières pages, bijou du livre, révèlent les conditions de narration de cette saga rocambolesque et justifient les extrapolations et récits parasites dont on se demandait ce qu'ils apportaient vraiment au récit.

Entre le conte d'Andersen La reine des neiges et le marchand de Venise de Shakespeare, le texte se nourrit et regurgite tout un palimpseste littéraire et baroque. Les érudits parlent de réalisme magique pour qualifier l'écriture de Salman Rushdie. Pour faire simple, c'est quand le fantastique du conte ou de la légende se même au réel pour donner une nouvelle réalité dans laquelle on retrouve des éléments concrets mais qui offre aussi des anomalies parfaitement acceptées. Un des derniers exemples de textes de ce genre qui m'a renversé est Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. le dernier soupir du Maure est tout aussi renversant!
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J'ai adoré. 100 ans de solitude en Inde.
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