Pas très loin de Londres où sont concentrés les bombardements ennemis, un petit village nommé Fenley tente de manger correctement bien que les restrictions touchent tout le pays en cette année 1942. le ministère du ravitaillement dicte les rations alimentaires pour chaque foyer et l'honnêteté des citoyens s'applique à respecter les directives pour participer à l'effort de guerre. Enfin, certains habitants de Fenley font fi de cette honnêteté et continuent à s'asseoir devant une table bien garnie.
Surfant un peu sur la vague actuelle qui fait fleurir bon nombre d'émissions et de défis autour de la cuisine, l'auteure a eu l'originalité de transposer cette mode dans une tout autre époque et en plein rationnement alimentaire, d'où une difficulté certaine à proposer de délicieux plats dans un concours promettant à la meilleure cuisinière une place à la BBC pour animer une émission culinaire.
Quatre femmes, car, chose exceptionnelle pour l'époque, ce poste est proposé uniquement à la gent féminine, vont se livrer bataille et remuer ustensiles de cuisine, livres de recettes, carnets de rationnement et convoquer leur inventivité pour proposer, dans le respect des rations consenties par le gouvernement, un menu complet en trois manches : entrée, plat de résistance et dessert.
Qui dit concours, dit compétition et désir d'arriver première. de caractères très distincts, nos quatre concurrentes feront appel à des idées plus ou moins honnêtes (pour certaines) afin de décocher le poste tant convoité. Sans trop de surprises, le marché noir, la séduction ou la menace feront, entre autres, leur entrée dans les menus de ces dames. Il faut dire que chacune a ses raisons pour sortir gagnante de ce concours. La timide Nell, orpheline et aide-cuisinière dans une riche demeure rêve de reconnaissance et de liberté pour ne plus être exploitée comme domestique à tout faire. Lady Gwendoline a une sérieuse revanche à prendre vis-à-vis de sa soeur aînée qui a toujours eu la préférence de leur mère et alors qu'avant-guerre elle dédaignait tout ce qui se rapportait à la cuisine, elle y trouve d'un coup une grande importance pour flatter sa vanité et se mettre en avant. Audrey, cette soeur aînée, veuve de guerre, a un cruel besoin d'argent pour faire face aux dépenses d'entretien de la maison familiale. La belle Zelda ne peut décemment rester moisir dans la cuisine de l'usine de viande en conserve de Fenley alors qu'elle travaillait dans un prestigieux restaurant londonien.
Jennifer Ryan nous fait donc partager les difficultés d'une jeune fille timide pourtant pleine de talent, l'assurance d'une femme suffisante, l'ambition d'une aristocrate parvenue et la détresse d'une maman débordée qui pleure son mari disparu.
Rien de bien original surtout si l'on ajoute que les méchantes s'amendent miraculeusement et sont finalement emplies de bienveillance qui était juste occultée par une enfance difficile. Donc, pas de mauvaises femmes ici mais juste deux vilains hommes. Une lecture qui salue un peu trop ostensiblement et sans nuance le courage, la persévérance et les ressources féminines !
J'avais adoré
La Chorale des dames de Chilbury mais dans cet opus j'ai souvent soupiré en lisant des dialogues frôlant la mièvrerie et qui manquent de spontanéité et de naturel, surtout lorsqu'il est question d'amour et d'amitié. Tous ces poncifs finissent par me lasser.
Le contexte, avec les rideaux du black-out, les raids aériens et la peur qu'ils engendrent, mais surtout tout ce qui touche au rationnement et qui est très bien détaillé avec une réelle recherche sur le sujet relève heureusement les heures de lecture passées dans ce petit village anglais. La cuisine, merveilleusement mise à l'honneur et les détails donnés pour s'ingénier à palier aux manques de beurre, de viande, de crème, d'oeufs... sont également très bien exploités.
Ce livre revisite l'image de la famille, salue les compétences de femmes combatives, enterre les passés douloureux tout en savourant avec de modestes moyens de belles tartes et tourtes croustillantes, de beaux pâtés en croûte au Spam (à vous de découvrir ce qui se cache derrière cet ingrédient) et de délicieux puddings et croquembouches revisités. D'ailleurs, en nos temps incertains, si jamais des pénuries ou des envolées de prix s'annonçaient pour certaines denrées, vous pourrez toujours piocher dans les nombreuses recettes présentes ici pour faire face aux temps difficiles tout en continuant à prendre plaisir à se restaurer !
Offrez-vous aussi cette lecture si vous avez besoin d'un condensé d'optimisme même si cet aspect a fini par me déplaire.
Je remercie les Éditions Albin Michel et Babelio pour cette nouvelle lecture de
Jennifer Ryan.