Citations sur Gorazde (14)
Dans mon quartier, il y avait des gardes armés, musulmans et serbes, ensemble. Tout était possible. Quelqu'un pouvait venir du dehors, de Visegrad, ou d'une autre partie de la ville et tuer mon voisin serbe. Et l'on penserait que c'était l'oeuvre d'un voisin musulman.
Ou bien quelqu'un viendrait tuer un Musulman, et les Musulmans penseraient que c'est un voisin serbe qui l'a fait. Il valait mieux patrouiller ensemble dans le quartier toute la nuit.
(p. 39)
[témoignage d'un Musulman] :
- On a trouvé cinq corps dans trois maisons. On ne voulait pas croire que nos voisins avaient pu faire ça, incendier nos maisons, tuer des gens, les brûler.
- Tu es sûr que c'était vos voisins serbes ?
- Pour la plupart, c'est certain. Ils ont laissé un carnet dans un tas d'ordures, dans un ruisseau au-dessus de chez moi. Toute une liste de noms et de prénoms, et les armes qu'ils portaient. 59 d'entre eux étaient des voisins. Et je les connaissais tous.
(p. 91)
Pendant la guerre en Bosnie de 1992-1995, alors que les médias se focalisaient sur Sarajevo, les souffrances endurées par la population musulmane dans l'inaccessible partie Est du pays étaient largement méconnues.
Et pourtant, dans ces villes et ces villages de Bosnie orientale, les forces serbes se débarrassaient des Musulmans avec une sauvagerie ahurissante. Quand les Nations Unies se décidèrent à agir, elles déclarèrent zones de sécurité les territoires auxquels les Musulmans se cramponnaient. Encerclées et tourmentées par les Serbes de Bosnie, ces zones de sécurité devinrent les endroits les plus dangereux de Bosnie, et c'est dans ces mêmes zones, tandis que la communauté internationale tergiversait, puis se détournait, que la purification ethnique connut son paroxysme meurtrier. (préface de Joe Sacco, avril 2000)
- (...) l'un d'entre eux m'a dit qui avait brûlé ma maison. C'étaient nos voisins. Dado, trois ans de moins que moi... Et un autre appelé Acko, et son frère Miro. On jouait au foot ensemble. Le soir, on sortait, ou alors on passait la soirée ensemble dans notre rue.
- A ton avis, pourquoi ont-ils brûlé ta maison ?
- Je ne sais pas. J'aimerais le leur demander.
- Et que sont devenus ces prisonnier serbes ?
- Plus tard, ils on été transférés à Gorazde. Ils ont été exécutés. C'est sûr.
(p. 87)
Aux premières élections libres en Bosnie en 1990, les résultats se sont répartis selon des lignes ethniques, conduisant au pouvoir trois partis nationalistes qui ont formé un gouvernement de coalition, tout en travaillant dans des buts différents. Le parti serbe (SDS) voulait que la Bosnie reste en Yougoslavie ; les partis croate (HDZ) et musulman (SDA) voulaient qu'elle s'en sépare. (p. 38)
Quand les [soldats] serbes ont été à 50 mètres, j'ai reconnu mes voisins... l'un d'eux avait passé beaucoup de temps chez moi avec mon plus jeune fils... ils faisaient leurs devoirs ensemble. (p. 79)
On a écouté la radio... des stations serbes... toujours la propagande : 'on ne peut pas vivre ensemble, il faut tuer tous les Musulmans'... un truc dans ce genre. (p. 69)
Et si [les habitants de Gorazde] rêvaient qu'eux aussi emprunteraient un jour la Route Bleue (ONU), arriveraient à Sarajevo, Paris ou Londres, c'était à leurs risques et périls. (p. 65)
[Riki] s'était battu à Sarajevo où la guerre l'avait arraché à ses études... Puis il avait traversé les montagnes en territoire ennemi, pour venir défendre Gorazde, sa ville d'origine. (p. 25)
[Trouvant leurs maisons détruites après l'occupation serbe à Gorazde] les gens incendiaient les maisons serbes. La plupart des maisons musulmanes avaient déjà été brûlées par les Serbes. Certains ne voulaient rien prendre du tout. Ils voulaient juste brûler. Ils étaient furieux, ils se foutaient de tout. On ne pouvait rien dire à personne. Les gens avaient peur et étaient incontrôlables. (p. 89)