- Mon ami, dit à cela Mme Scholtz, je connais votre cœur comme vous-même ; il serait impossible que votre éloignement pour moi fût aussi marqué, si vous ne brûliez pas pour une autre ; quoique je ne sois plus de la première jeunesse, croyez-vous qu'il ne me reste pas encore assez d'attraits pour trouver un époux ? Oui, Herman, oui, vous m'aimeriez, sans cette créature que j'abhorre, et sur laquelle je me vengerai de vos dédains. Herman frémit.
[...tous les individus ne doivent pas prétendre à la même portion de félicité.]
Ce n'est pas toujours par les voies tyranniques, et par d'affreuses vengeances, que l'on peut ramener et contenir les hommes.
Cependant elle sonne, cette heure funeste du départ ; pour deux coeurs véritablement épris, quelle différence y a-t-il entre celle-là et celle de la mort ? On dirait, en quittant ce qu'on aime, que le coeur se brise, ou s'arrange ; nos organes, pour ainsi dire enchaînés à l'objet chéri dont on s'éloigne, paraissent se flétrir en ce moment cruel ; on veut fuir, on revient, on se quitte, on s'embrasse, on ne peut se résoudre ; le faut-il à la fin, toutes nos facultés s'anéantissent, c'est le principe même de notre vie qu'il semble que nous abandonnions, ce qui reste est inanimé, ce n'est plus que dans l'objet qui se sépare qu'est encore pour nous l'existence.
Eh bien ! Dit Herman, en se voyant dans le séjour du crime...et trop souvent de l'injustice, puis-je défier le ciel à présent, d'inventer des maux qui puissent déchirer mon âme avec plus de fureur ?
Oxtierm...perfide Oxtierm, toi seul à conduit cette trame, et je ne suis ici que la victime de la jalousie, de tes complices et de toi...
Voilà donc comme les hommes peuvent passer, en un instant, au dernier degré de l'humiliation et du malheur !
J'imaginais que le crime seul pouvait les avilir jusqu'à ce point. Non...il ne s'agit que d'être soupçonné pour être déjà criminel, il ne s'agit que d'avoir des ennemis puissants pour être anéanti !
Le philosophe qui court le monde pour s'instruire, doit s’accommoder de toutes les mœurs, de toutes les religions, de tous les temps,de tous les climats, de tous les lits, de toutes les nourritures, et de laisser aux voluptueux indolent de la capitale ses préjugés... son luxe... ce luxe indécent qui, ne contentant jamais les besoins réels, en crée chaque jour de factices aux dépens de la fortune et de la santé.
La prison d'un homme dédommage-t-elle la société des maux qu'il lui a faits? ... Il faut le rendre libre, cet homme, si l'on veut qu'il répare, et, dans ce cas, il n'en est aucun qui ne le fasse, il n'en est pas un seul qui ne préfère le bien à l'obligation de vivre dans les fers.
Rien n'est persuasif comme l'éloquence des amants ; ils ont une logique du coeur qui n'égala jamais celle de l'esprit.
Les blessures de l'âme ne se guérissent ni avec de l'or, ni avec des honneurs...
[...je sens que le pouvoir de vos yeux détruit insensiblement mon courage.]