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Critique de tamara29


A quelques jours de la « Journée Internationale des femmes », quoi de mieux qu'un livre autour des femmes pour penser à elles ? Dans « Femmes puissantes », Léa Salamé nous propose une sélection d'entretiens de femmes réalisés en 2019. A l'époque, je les avais écoutés sur France Inter avec intérêt, curiosité et, pour bon nombres de ces femmes beaucoup d'admiration, de respect et d'émotions J'ai voulu en relire certains, ceux qui m'avaient le plus marquée, plus exactement relire les mots de ces femmes publiques qui portent en elles force, intelligence, volonté. Des entretiens qui nous permettent notamment d'affiner nos propres opinions et convictions sur le monde actuel, les faits sociétaux complexes et les questions sociologiques diverses.
Je n'aime guère l'utilisation du terme « puissantes ». A mes yeux, cela renvoie trop à l'idée de force (physique notamment). Cette puissance d'une personne (mâle souvent donc) est au dépend d'autres personnes moins puissantes. Un terme qui rappelle le monde patriarcal. Et de par cette différence entre des êtres, cela sous-entend de possibles contrôles, exploitations, profits sur les plus faibles… Dans un combat entre des David et Goliath, j'aurais tendance à me mettre du côté des David.

Petite parenthèse faite, ces différentes femmes interviewées n'en demeurent pas moins des femmes de grande notoriété publique, des femmes qui ont réussi professionnellement et socialement, dont les pensées, discours et convictions ont des portées importantes. Des femmes écoutées, quelquefois décriées, mais qui laissent rarement indifférentes.
Elles ont le courage de leurs convictions, elles osent dire ce qu'elles pensent, parfois au risque de déplaire, choquer, parfois à contre-courant. Certaines ont osé aller vers des métiers à dominante/domination masculine (politique, chirurgie, religion…), certaines n'ont pas leur langue dans leur poche et lâchent des phrases chocs, en se moquant bien parfois que cela déplaise et du qu'en dira-t-on. Elles sont libres, audacieuses, intelligentes, certaines cultivées, poétesses, et radicalement modernes.

Bien sûr, en lisant certaines interviews, on n'est pas forcément d'accord avec la totalité de leurs discours et opinions. Mais, c'est justement cela qui fait avancer les mentalités : énoncer certains postulats qui font réfléchir, bouger les lignes (comme a pu le faire Elisabeth Badinter, expliquant dans son essai « L'amour en plus » que toutes les femmes n'étaient pas maternelles), oser une parole qui manque un peu de bienséance ou bien loin du politiquement correct (Béatrice Dalle ou encore son amie Virginie Despentes). A force, cela ouvre d'autres portes, élargit la pensée, dépoussière certains esprits étriqués, fait grandir. Et elles deviennent des exemples et des modèles pour toute une génération de femmes. Je voulais laisser de côté le terme de « féministes ». Mais en soi, leurs actes et paroles le sont car elles oeuvrent, consciemment ou non, pour une plus grande équité, égalité et amélioration de la condition de la femme.
Les entretiens de ces femmes donnent une force incroyable. Ça nous campe un peu mieux les pieds sur terre. Je regrette de ne pas avoir lu un tel ouvrage (ou encore l'essai « King Kong Théorie » de V. Despentes) alors que j'étais adolescente, prisonnière du carcan de l'éducation judéo-chrétien où la jeune femme doit se montrer polie (avoir un discours policé), ô combien discrète, aimable, où la jeune femme doit plaire (au risque de devoir se taire lorsque cela ne lui plait pas) et faire en sorte de satisfaire l'homme (conjoint, patron, homme lambda dans la rue). Cette éducation contraignante et diffuse dans nos veines a fait du tort pendant des générations. Et malheureusement, Mai 68 et les années suivantes n'ont pas suffi pour mettre à mal toute l'éducation bridée et inégalitaire.
Je ne serai jamais une Béatrice Dalle qui se moque d'être vulgaire, je ne serai jamais une Christiane Taubira qui a réussi à mettre un mur de protection pour ne plus être atteinte et blessée par les remarques et insultes. Il est sûrement trop tard pour cela.

Toutefois, pour toutes les jeunes femmes encore en devenir ou pour les autres comme moi qui ont déjà vécu (amoureusement, professionnellement, socialement), ce livre est un condensé de vitamines, de paroles chamaniques et positives, de mantras, un bon bol d'oxygène qui s'insinue avec bonheur dans nos poumons et notre cervelle, un je-ne-sais-quoi qui nous fait nous tenir droites et relever la tête. C'est tout une somme d'espérances que les choses peuvent bouger, s'améliorer vers plus d'égalité.
Toutes ces femmes à leur manière ont agi pour les femmes, pour la « Femme » et pour l'évolution de la société en général. Surtout, elles portent en elles la voie/voix et les preuves de notre liberté à l'instant T, de notre droit à une identité unique et personnelle (et non pas en tant qu'épouse, mère), de notre droit à penser, agir et être libre. Nous sommes l'agrégat d'une éducation, de rencontres, d'état d'esprit, de lois, mais nous sommes aussi libres (autant que faire se peut) de nos actes, libres de ne pas plaire, libres d'aller vers ce qui nous plait, ce qui nous fait battre le coeur.
Autant je suis convaincue que des cours d'autodéfense devraient être systématiquement donnés durant la scolarité à toutes les jeunes filles (pour les aider non seulement à se promener seules dans les rues avec plus de sécurité mais aussi pour leur permettre d'évoluer dans la société avec plus d'assurance) ; autant ce recueil d'entretiens -pour ce qu'il représente et peut apporter- devrait être lu lors de cours d'éducation civique et ce, quel que soit le genre.
Alors bien entendu il ne faudrait oublier de mentionner le long travail en amont de Léa Salamé pour la préparation et la réalisation de ces entretiens (en posant les questions sociétales ou plus intimes mais qui sont toutes révélatrices d'un schéma de liberté, parfois même d'une envie d'en découdre).
On ne manque pas d'observer que la majorité de ces femmes sont issues d'un milieu aisé, pour ne pas dire très aisé, avec parfois un parent (un père) qui appartient à la sphère publique. Seule peut-être Béatrice Dalle dénote (tout comme son langage). La présence d'une femme venant d'un milieu non favorisé (et donc ayant moins de chances économiques et culturelles de devenir « puissante ») rassure un peu sur la possibilité de non-reproduction et de devenir « forte », quel que soit le milieu.

En émerge de ce constat, le souhait de louer également toutes ces femmes (et ces hommes) de l'ombre qui, au quotidien, oeuvrent pour aider celles appartenant au groupe dit du « sexe faible » (à trouver un travail, à devenir plus libre et indépendante, à briser le silence, à échapper au joug d'un homme), et le souhait de penser, plus généralement, à toutes ces femmes discrètes qui sont fortes et puissantes (gérant la vie quotidienne, travail, enfants, foyer).
Et peut-être que ce serait moins vendeur, moins commercial, mais un recueil d'entretiens auprès de femmes inconnues, plus discrètes, et qui pourtant apportent aussi leur petite pierre à l'édifice de l'amélioration sociale ne serait pas dénué d'intérêt. J'aurais également beaucoup aimé un tel recueil d'entretiens auprès de Simone Veil, Gisèle Halimi, Jeanne Moreau, Marguerite Duras ou encore Thérèse Clerc.
Le 8 Mars, quand on pensera à toutes "les femmes", on pourra se dire qu'à défaut d'être puissantes (et avec une notoriété publique), elles sont loin d'être faibles dans le quotidien et qu'il y a comme un vent de liberté qui souffle sur elles.

Je souhaitais finir par une citation d'un homme, parce que cela rappelle que le plus souvent le discours de ces femmes n'est pas contre les hommes mais pour une égalité entre les sexes...
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront » René Char

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