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Citations sur Le prix à payer (6)

Les Simonies :

Simon savait que son attirance pour les personnes de son sexe était condamnée et il était d’une prudence extrême dans la manifestation de celle-ci. Jusqu’à sa découverte de la chair et de ses joies, l’absence d’un aspect physique dans sa relation avec Serge ne le dérangea pas vraiment – il était d’une famille où l’on ne se touchait pas, hormis pour le vespéral baiser maternel – ensuite, en quelque sorte, il se dissocia. Enfin, dans sa quinzième année, il commença à souffrir.

[…]

Il se persuada sans peine que le curseur du rhéostat amoureux ne comportait que deux positions : soit l’on souffre parce qu’on est loin de l’être aimé, soit l’on souffre parce qu’on est près de lui. Aucune n’est préférable à l’autre, on les alterne quand la douleur devient trop forte, comme on s’arracherait un ongle pour se distraire d’une rage de dents.


Si la mécanique était si agréable, pourquoi Simon la redoutait-il ? En fait, il ne s’agissait que de la première phase. Ensuite viendrait la plus longue, celle, exaltante et épuisante, où il faudrait déployer des efforts pour séduire, interpréter les moindres signes, compter les points gagnés et perdus, adapter chaque mouvement aux circonstances en étant à la fois réactif et circonspect sans s’éloigner de la visée finale, contrôler ses impulsions sans trop les brider, apparaître naturel quand tout en lui ne serait que calculs et supputations. C’était pendant cette phase que progressivement l’excitation et l’euphorie céderaient le pas à la lucidité, à la prise de conscience de l’impossibilité de la tâche. Alors arriverait le moment, brutal et infiniment navrant, du renoncement. L’instant où il serait impossible de continuer à se mentir sur la convergence inexorable des indices qui démontrait l’infaisabilité de l’entreprise. Enfin, il y aurait la dernière partie, solitaire, celle d’une tristesse, d’un dégoût de soi, d’un désespoir qui seraient à la mesure du désir initial. Le moment des larmes dans la nuit.
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Ars Memoria :

Leur amitié était déjà ancienne, mais ne s’était pas construite dans l’évidence qui illumine tant d’autres. Il avait fallu au plus âgé l’obstination que donne l’expérience devant les réticences du cadet, qui, perdu dans sa difficulté à être au monde et aux autres, avait néanmoins perçu obscurément dans cette relation naissante un noyau ferme qui ne demandait qu’à se développer pourvu qu’on le débarrasse des oripeaux de l’ambiguïté. Il y eut des heurts, il y eut des fâcheries, il y eut des éloignements, mais qui furent autant d’étapes alchimiques conduisant à un sentiment dense, pur et inoxydable.
(Due mazzi di peonie) 

[…]

Il venait rendre visite à sa mère en début de soirée, prenant le relais de son père, présent tout l’après-midi accompagné parfois d’autres membres de la famille. Il aurait pu venir plus tôt, mais il avait du mal à supporter d’être à plusieurs au chevet de la mourante ; il avait surtout du mal à supporter l’espèce d’acceptation dont tous semblaient faire montre. Il espérait aussi, confusément, sans trop vouloir y penser – car il se sentait coupable et égoïste d’y songer en ces moments –, que sa mère lui parlerait, parce que tout, selon lui, n’avait pas été dit d’une histoire qui ne regardait qu’eux.
Mais sa mère ne lui parla pas.
Il se dit par la suite que s’il avait manifesté cette attente, sa mère y aurait peut-être accédé, mais il avait respecté ce silence, mais il sut qu’il avait bien fait, quand il découvrit plus tard comment durant ses dernières semaines sa mère avait, avec son père, pris plusieurs dispositions et le soin de régler un grand nombre de détails. C’était donc qu’elle avait agi en pleine lucidité. Il considéra alors comme un ultime cadeau qu’il lui aurait fait d’avoir résisté à l’envie de rouvrir le livre de sa vie à un chapitre douloureux pour elle.
[…]
Il comprit que sa mère avait fait le choix de ne plus voir la beauté du monde, sans doute pour ne pas avoir à le regretter, ou alors pour que cela soit plus facile, de partir, d’accepter de partir à un âge où pour tant d’autres la vie est loin d’être achevée. Il reconnut là un trait de caractère qu’elle avait, cette capa- cité à trancher dans le vif, à refuser les compromis, à prendre des décisions et à s’y tenir, quoi qu’il en coûte.
(Le Marron et l’Orchidée)
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Le soir du 1er octobre, on pouvait observer par la fenêtre un ciel féérique. Un de ces ciels que l'on croirait truqué si on le voyait en photographie, que l'on croirait inventé si on l'observait peint. Un amoncellement, un éboulement, un écroulement de roses, de turquoises, de noirs, frangé de bleus sombres et marine, tachés de blanc opalescents, piqueté de jade, éclaboussé d'or et de cuivre. Il souhaita que sa mère regarde ce ciel incroyable, ce ciel magique, qu'elle voie quelque chose de beau, de sublime même, à la place de cette chambre fonctionnelle, et que sa fonction rendait hideuse.
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Il comprit que sa mère avait fait le choix de ne plus voir la beauté du monde, sans doute pour ne pas avoir à le regretter, ou alors pour que cela soit plus facile, de partir, d'accepter de partir à un âge ou pour tant d'autres la vie est loin d'être achevée. Il reconnut là un trait de caractère qu'elle avait, cette capacité à trancher dans le vif, à refuser les compromis, à prendre des décisions et à s'y tenir, quoi qu'il en coûte.
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Avec de telles influences, il se persuada sans peine que le curseur du rhéostat amoureux ne comportait que deux positions : soit l'on souffre parce qu'on est loin de l'être aimé, soit l'on souffre parce qu'on est près de lui. Aucune n'est préférable à l'autre, on les alterne quand la douleur devient trop forte, comme on s'arracherait un ongle pour se distraire d'une rage de dents.
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Il se fustigea. Alors c'était ça : malgré le travail réalisé, les abandons consentis, les sacrifices faits, les exercices accomplis, les entraînements répétés il n'était qu'un misérable camé prêt à retomber dans son vice dès qu'on le mettait en présence du stupéfiant adoré et que trahissait déjà le tremblement convulsif de ses mains ; un chien galeux qui retourne à son vomi.
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