Pour la gloire

Dans tout ce qui s'était passé , il n'avait jamais imaginé quelque chose un tant soit peu semblable à ça , d'avoir tout ce temps fouillé et scruté le ciel pour y trouver sa destinée et la divinité , et finalement de les avoir trouvées sur terre.

Les journées semblent vraiment longues. On a l'impression que les heures ne mènent nulle part, si ce n'est au loin, dans une sorte de cimetière du temps perdu, et lentement, terriblement lentement. Les batailles aériennes sont irrégulières. Elles arrivent par séries. Beaucoup de jours sans, et puis soudain les Mig apparaissent, et c'est la curée, frénétique. C'est difficile à décrire. C'est toi ou eux, tout d'un coup, et tout compte.

Le plus dur, c'était de réfléchir à ce qu'il ferait s'il devait s'éjecter en Corée du Nord et être pourchassé en territoire ennemi. Ce qui importait le plus dans pareil cas, c'était d'être habité par un fort désir de vivre, très différent du désir instinctif. Il n'était pas sûr que ce désir soit encore assez ardent en lui pour lui permettre de survivre, si jamais cela lui arrivait. C'était comme être hémophile et prendre par un tournoi de boxe.

Après dix missions, tout le monde est un expert. Les Victoires c'est important, mais en ce qui me concerne, il y a quelque chose de plus important à ramener de Corée.
-Quoi?
-Mon cul.

-Ils sont comment les bons?
-Coriaces. S'ils arrivent derrière toi, tu ne t'en débarrassera pas avec un simple break. Ils vont te coller au train, des fois jusqu'au plancher. Ça m'est arrivé. Tout ce que tout ce que tu peux espérer alors, c'est qu'ils soient à court de munitions ou de carburant, ou que quelqu'un se ramène pour t'aider. Si c'est vraiment un honchos que t'as au train, tu l'a dans l'os. La seule chose à faire c'est de virer aussi brutalement que possible et de t'en remettre à la chance.
-c'est ce qui en fait une guerre, je suppose. Tu leur tires dessus, ils te tirent dessus.

Il était venu, prêt à s'acquitter de sa tâche, mais maintenant il n'en était plus si sûr. Il était venu pour une poignée de victoires, mais, en un sens, ce n'était plus ce qu'il désirait à présent. Il voulait plus, il voulait se sentir au-dessus du désir, libéré d'avoir à en avoir. Et il savait, avec la plus profonde certitude, qu'il n'y parviendrait jamais. Il était prisonnier de la guerre.

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Et Cleve était en paix avec lui-même. Il avait l'impression d'être enfin passé de la jeunesse à une vraie maturité, prenant conscience maintenant du prix à payer pour demeurer fidèle aux idéaux qui jadis lui paraissaient si brillants et si attirants. La dette était élevée mais à cause de tout ce qu'ils lui avaient coûté, il n'y était que plus férocement attaché. Il n'y avait plus rien de frivole en quoi il pouvait croire à présent, hormis un résidu tenace, plus précieux qu'une poignée de diamants.

"La mort, on pouvait manquer d'égards envers elle ou même l'ignorer quand on la frôlait, mais quand on se retrouvait face à elle de façon inopinée, aucun homme n'était capable de ne pas crier, en silence ou à voix haute, pour qu'on lui accorde juste un peu de répit encore, afin d'empêcher le monde de finir."

"Il y avait une façon de vivre et une façon de mourir. Il était supposé le leur montrer. C'était ça, être un leader. [...] S'il avait un défaut, c'était d'être lucide à l'excès, ce qui peut être la même chose qu'être aveugle. Il aurait dû s'en apercevoir."

"C'était absurde, mais impressionnant aussi. Tout ce pourquoi des hommes étaient prêts à mourir devait être pris au sérieux."