Je suis encore envahie par l'émotion suscitée par ma lecture, en italien, de ce roman bouleversant, dont je viens de lire les dernières pages, "
La Malnata". Frappée aussi par la force du récit et l'écriture aboutie de ce premier livre de
Beatrice SALVIONI. L'histoire se situe à Monza (ville au nord-est de Milan, dont elle est très proche), au milieu des années 30, dans cette période sombre qu'est le fascisme en Italie. Son évocation sonne juste, en montrant de manière implicite le poids du dogme fasciste sur la vie quotidienne des Italiens, et la partition entre ceux qui l'adoptent, voire proclament leur amour pour le "Duce, père de la patrie", ceux qui le suivent pour survivre, et ceux dont la droiture les rendent rebelles à la dictature d'un homme qui pactisera avec le Diable, en la personne d'Hitler, dont l'ascension est en cours simultanément en Allemagne. La présence sourde et menaçante de l'idéologie fasciste dans ce roman est d'autant plus importante que les lecteurs non italiens connaissent bien moins l'horreur du fascisme que celle du nazisme.
Parmi les révoltés, l'auteure a choisi de raconter l'histoire, non d'un partisan, mais d'une toute jeune fille, Maddalena Merlini, surnommée par tous les bien-pensants "
La malnata" (La mal née). Issue d'une famille modeste, elle est appelée ainsi parce qu'elle dérange par sa différence, devenant par là même, selon un mécanisme immémorial au sein des hommes, le bouc émissaire de toute une communauté, la "sorcière" accusée de tous les maux, morts ou accidents. Les événements tragiques de cette histoire sont racontés à la première personne par une autre jeune adolescente, Francesca Strada, fille d'une famille aisée. le point d'orgue de ce roman est l'amitié entre Francesca et Maddalena, qui se construira au fil des jours sombres de cette période d'avant-guerre, au-delà de l'ostracisation dont est victime "
La Malnata", pour devenir indéfectible. Maddalena est pour moi celle qui brille le plus des deux jeunes filles, telle un diamant brut, Maddalena la sauvage, l'indomptable, celle "qui n'a peur de rien", pas même de s'opposer à un jeune fasciste dont la beauté n'a d'égale que la cruauté et le côté prédateur.
Il n'en demeure pas moins que ce roman est aussi le récit initiatique de la pré-adolescence de la narratrice, Francesca, dont l'attirance pour la force mature et subversive de
la Malnata, changera sa vie à tout jamais.
Un très beau roman, promis à mon sens à un succès certain et mérité, et qui laissera longtemps son empreinte en moi.