Citations sur Indiana (189)
En épousant Delmare, elle ne fit que changer de maître ; en venant habiter le Lagny, que changer de prison et de solitude. Elle n'aima pas son mari, par la seule raison peut-être qu'on lui faisait un devoir de l'aimer, et que résister mentalement à toute espèce de contrainte morale était devenu chez elle une seconde nature, un principe de conduite, une loi de conscience. On n'avait point cherché à lui en prescrire d'autre que celle de l'obéissance aveugle.
Il [Ralph] haïssait Raymon, et, d'un mot, il pouvait le chasser de Lagny ; mais il ne le fit pas, parce que Ralph avait une croyance, une seule qui était plus forte que les mille croyances de Raymon...c'était la conscience.
Il avait vécu tellement seul, qu'il n'avait pu s'habituer à compter sur les autres ; mais aussi, dans cet isolement, il avait appris à se connaître lui-même. Il s'était fait un ami de son propre coeur...
La femme est imbécile par nature ; il semble pour contrebalancer l'éminente supériorité que ses délicates perceptions lui donnent sur nous, le ciel ait mis à dessein dans son cœur une vanité aveugle, une idiote crédulité...Il ne s'agit peut-être, pour s'emparer de cet être si subtil, si souple et si pénétrant, que de savoir manier la louange et chatouiller l'amour-propre...
Le plus honnête des hommes est celui qui pense et agit le mieux, mais le plus puissant est celui qui sait le mieux écrire et parler.
C'est une grande imprudence d'introduire la politique comme passe-temps dans l'intérieur des familles. S'il en existe encore aujourd'hui de paisibles et d'heureuses, je leur conseille de ne s'abonner à aucun journal, de ne pas lire le plus petit article du budget, de se retrancher au fond de leurs terres comme dans une oasis, et de tracer une ligne infranchissable entre elles et le reste de la société...
N'attendez pas que je vous répète les étranges discours qu'il confia aux échos de la solitude ; lui-même, s'il était ici, ne pourrait nous les redire. Il est des instants d'exaltation et d'extase où nos pensées s'épurent, se subtilisent, s'éthèrent en quelque sorte. Ces rares instants nous élèvent si haut, nous emportent si loin de nous-mêmes, qu'en retombant sur la terre nous perdons la conscience et le souvenir de cette ivresse intellectuelle...
C'est un lieu pittoresque, une sorte de vallée étroite et profonde, cachée entre deux murailles de rochers perpendiculaires, dont la surface est parsemée de bouquets d'arbustes saxatiles et de touffes de fougère.
Un ruisseau coule dans la cannelure formée pas la rencontre des deux pans. Au point où leur écartement cesse, il se précipite dans des profondeurs effrayantes, et forme, au lieu de sa chute, un petit bassin entouré de roseaux et couvert d'une fumée humide. Autour de ses rives et sur les bords du filet d'eau alimenté par le trop-plein du bassin, croissent les bananiers, les lectchis et des orangers, dont le vert sombre et vigoureux tapisse l'intérieur de la gorge. C'est là que Ralph fuyait la chaleur et la société ; toutes ses promenades le ramenait à ce but favori...
Je ne sers pas le même Dieu, mais je le sers mieux et plus purement. Le vôtre, c'est le dieu des hommes, c'est le roi, le fondateur et l'appui de votre race; le mien, c'est le Dieu de l'univers, le créateur, le soutien et l'espoir de toutes les créatures. Le vôtre a tout fait pour vous seuls; le mien a fait toutes les espèces les unes pour les autres. Vous vous croyez les maîtres du monde; je crois que vous n'en êtes que les tyrans. Vous pensez que Dieu vous protège et vous autorise à usurper l'empire de la terre; moi, je pense qu'il le souffre pour un peu de temps, et qu'un jour viendra où, comme des grains de sable, son souffle vous dispersera.
Folio, pp. 248-249
Il redevint moral, vertueux et philosophe. Vous verrez pour combien de temps.