Le journaliste
Nicolas Santolaria a le don de saisir la réalité de la vie de bureau aujourd'hui. En 69 chroniques parues dans le Monde et rassemblées ici dans cinq sections thématiques aux titres explicites :
- Mon ordi, mon ficus, mes emmerdes. Lieux et objets
- « Wording », ou les tourments de la novlangue de bureau. Langage
- L'enfer, c'est (presque toujours) les autres. Relations humaines
- L'inflation des névroses tertiarisées. Bien-être et pathologies
- Les manipulations douces de l'entreprise libérée. Pratiques managériales et techniques de résistance,
il dresse le tableau d'un monde qui a profondément changé en ce début de XXIe siècle, sous l'influence, notamment, du modèle américain (ah, l'« idéal » incarné par Google !). Quelques dessins très réussis de
Matthieu Chiara agrémentent le volume ; on aurait aimé qu'ils soient plus nombreux.
Souvent pince-sans-rire, parfois franchement drôle, l'auteur passe en revue les usages managériaux, le design conçu pour optimiser la productivité du salarié, les théories innombrables mises en application avec des conséquences plus ou moins graves, les relations hiérarchiques ou entre collègues, etc. Tout l'intéresse, jusqu'à ces fameuses chouquettes apportées pour le café et dont on découvre ici le sens profond (si vous voulez en savoir plus sur ce « syndrome de la chouquette » qui donne son titre à l'ouvrage, lisez-le, je ne vais quand même pas tout vous dire).
C'est assez rare pour être souligné : en lisant ce livre, on est parfois saisi d'éclats de rire irrépressibles – évitez de le parcourir au travail, vous risquez d'être trahi par ces bouffées d'hilarité soudaines, surtout si vous faites partie des victimes de l'open space.
Le ton alerte et ironique sert une réflexion sérieuse, qui soulève des questions fondamentales et invite à poser un regard critique sur les usages professionnels contemporains. Blagues et jeux de mots faciles ou plus subtils parsèment le texte, qui rendent plaisante la lecture, mais on a parfois envie de rire jaune tant les faits et dérives saisis par l'auteur nous rappellent la triste réalité d'un univers où le licenciement devient une « libération » (selon les mots et la pensée de l'Allemand Sebastian Thrun), et les anglicismes ou plutôt « californismes » employés à tout va distillent un venin aux effets socio-économiques et culturels bien réels.
Plus que jamais, on se dit, en refermant ce volume : mieux vaut en rire…
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