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Citations sur Les intermittences de la mort (39)

Le lendemain, personne ne mourut. Ce fait, totalement contraire aux règles de la vie, causa dans les esprits un trouble considérable, à tous égards justifié, il suffira de rappeler que dans les quarante volumes de l'histoire universelle il n'est fait mention nulle part d'un pareil phénomène, pas même d'un cas unique à titre d'échantillon, qu'un jour entier se passe, avec chacune de ses généreuses vingt-quatre heures, diurnes et nocturnes, matinales et vespérales, sans que ne se produise un décès dû à une maladie , à une chute mortelle, à un suicide mené à bonne fin, rien de rien, ce qui s'appelle rien.
(Incipit)
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...vu la légèreté avec laquelle les mots nous sortent d’habitude de la bouche, nous n’ayons pas clairement conscience de leur signification éventuelle.
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Il faut user d’infiniment de précautions avec les mots, car ils changent d’avis comme les êtres humains.
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La seule façon de liquider le dragon c'est de lui couper la tête, lui limer les ongles ne sert à rien.
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...elle avait mis de côté la vertu de la modestie qu'elle cultivait ordinairement en faisant de grands efforts et de gros sacrifices pour se féliciter sans réserve du succès de la campagne nationale, dont l'objectif, rappelons-le, était de demander au seigneur dieu d'assurer le retour de la mort le plus vite possible afin d'épargner les pires horreurs à la pauvre humanité, fin de citation. Les prières avaient mis presque huit mois pour parvenir au ciel, mais il convient de rappeler que rien que pour atteindre la planète mars il en faut six, or le ciel, il n'est pas difficile de l'imaginer, est encore beaucoup plus éloigné, à treize mille millions d'années-lumière de la terre, en chiffres ronds. Il y avait toutefois une ombre noire à la légitime satisfaction de l'église. Les théologiens discutaient, et ne parvenaient pas à se mettre d'accord, des raisons qui avaient sans doute poussé dieu à ordonner le retour subit de la mort, sans avoir au moins donné le temps d'administrer l'extrême-onction aux soixantedeux mille moribonds qui, privés de la grâce du dernier sacrement, avaient rendu l'âme en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Le doute sur le fait que dieu exerçait son autorité sur la mort ou si, au contraire, c'était la mort qui était la supérieure hiérarchique de dieu, torturait en sourdine les esprits et les cœurs de la sainte institution qui tenait l'affirmation audacieuse selon laquelle dieu et la mort étaient les deux faces de la même monnaie pour un abominable sacrilège plutôt que pour une hérésie. C'était ce qui se vivait à l'intérieur de l'église.
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Bien que, comme cela a déjà été signalé une bonne partie des patients incurables dont la maladie était parvenue son degré extrême et dernier, si l'on peut licitement appeler ainsi un état nosologique annoncé comme devant être éternel, eût été déjà transférée chez eux et dans le sein de leurs familles, En quelles meilleures mains pourraient se trouver les pauvres diables, se disait-on hypocritement, ce qui es certain, c'est qu'un très grand nombre parmi eux, sans parents connus ni argent pour payer la pension exigée dans les foyers du crépuscule heureux, s'entassaient là pêle-mêle, non plus dans les couloirs, comme c'est la vieille habitude dans ces méritoires établissement d'assistance, hier, aujourd'hui et toujours, mais dans des débarras et des recoins, des combles et des greniers, où ils étaient souvent laissés à l' abandon pendant plusieurs jours, sans que quiconque s'en souciât, car comme disaient médecins et infirmières, quelle que fût la gravité de leur état, ils ne pouvaient pas mourir. A présent, ils étaient morts, emportés et enterrés, l' air des hôpitaux était redevenu pur et cristallin, avec son arôme si particulier d'éther, de teinture d'iode et créosote, comme en plein ciel dans les hautes montagnes . On ne déboucha pas de bouteilles de champagne, mais les sourires heureux des administrateurs des chefs de clinique mettaient du baume au cœur, quant aux médecins, il n'y a rien d'autre à en dire sinon qu'ils avaient retrouvé l'historique regard carnivore avec lequel ils suivaient des yeux le personnel infirmier féminin. Donc, dans tous les sens du terme, retour à normale.
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Effectivement, pour en revenir aux raisons inquiétantes de l'économiste, les calculs n'étaient pas difficiles à faire, voyons un peu, si une fraction de la population active cotise à la sécurité sociale, si une autre fraction de la population non active est à la retraite, soit pour une raison d'âge, soit d'invalidité, et par conséquent reçoit de l'autre sa pension de retraite, et la population active étant en diminution constante par rapport à la fraction inactive qui, elle, est en croissance continuelle absolue, on ne comprend pas que quelqu'un n'ait pas compris aussitôt que la disparition de la mort, qui semblait un summum, un apogée, le bonheur suprême, n'était finalement pas une bonne chose. Il fallut que les philosophes et autres praticiens de l'abstraction se trouvassent déjà à moitié égarés dans la forêt de leurs propres élucubrations sur le presque et le zéro, façon plébéienne d'exprimer l'être et le néant, pour que le sens commun se présentât prosaïquement, papier et crayon à la main, afin de démontrer par a + b + c qu'il y avait des questions beaucoup plus urgentes à prendre en considération. Comme il était à prévoir, connaissant les côtés obscurs de pcinaux commença à se modifier pour le pire
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Non pas qu'il fût oublié, comme le prouvait une phrase qui se répandait et qui était répétée à l'envi par les piliers de bistrot, Au moins, disaient-ils, s'il se produit un putsch militaire, nous pouvons être sûrs d'une chose, même si les gens se canardent à qui mieux mieux, ils ne réussiront à trucider personne. On attendait à tout moment un vibrant appel du roi à la concorde nationale, une communication du gouvernement annonçant un ensemble de mesures d'urgence, une déclaration des hauts commandements des armées de terre et de l'air, car comme le pays n'avait pas de littoral il n'avait pas non plus de marine de guerre, faisant état de leur fidélité indéfectible aux pouvoirs légitimement constitués, un manifeste des écrivains, une prise de position des artistes, un concert de solidarité, une exposition d'affiches révolutionnaires, une grève générale organisée conjointement par les deux centrales syndicales, une pastorale des évêques invitant à prier et à jeûner, une procession de pénitents, une distribution massive de prospectus jaunes, bleus, verts, rouges, blancs, on parla même de convoquer une gigantesque manif à laquelle participeraient les milliers de personnes de tous les âges et de toutes les conditions se trouvant en état de mort suspendue qui défileraient dans les principales avenues de la capitale sur des civières, dans des brouettes, des ambulances ou sur le dos de leurs enfants les plus robustes, avec un immense calicot à la tête du cortège proclamant, sacrifiant rien moins que plusieurs virgules à l'efficacité du slogan, Nous qui défilons tristement ici nous vous attendons tous dans la joie. Finalement, rien de cela ne fut nécessaire.
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... si la mort disparaissait, il n'y aurait plus de résurrection possible et que sans résurrection l'église perdrait tout son sens. Or celle-ci étant publiquement et notoirement l'unique instrument de travail dont dieu semblait disposer sur terre pour tracer les voies devant mener à son royaume, la conclusion évidente et irréfutable était que toute l'histoire sainte aboutissait inévitablement à une impasse. Cet argument acide était sorti de la bouche du plus âgé des philosophes pessimistes qui ne s'en tint pas là et ajouta immédiatement, Les religions, toutes autant qu'elles sont et quel que soit l'angle sous lequel on les regarde, ont la mort pour unique justification de leur existence, elles ont besoin de la mort comme la bouche du pain. Les délégués des religions ne se donnèrent pas la peine de protester. Au contraire, l'un d'eux, représentant renommé du secteur catholique, déclara, Vous avez raison, monsieur le philosophe, c'est exactement pour cela que nous existons, pour que les gens passent toute leur vie pris dans l'étau de la peur et pour que, leur heure venue, ils accueillent la mort comme une libération, Le paradis, Paradis ou enfer, ou rien du tout, ce qui se passe après la mort nous importe bien moins qu'on ne le croit généralement, la religion, monsieur le philosophe, est une affaire terrestre, elle n'a rien à voir avec le ciel, Ce n'est pas ce qu'on nous a habitués à entendre. Il fallait bien trouver quelque chose pour rendre la marchandise attrayante.
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Impossible de résister à pareille ferveur patriotique, surtout parce que, venues on ne savait d'où, certaines déclarations inquiétantes, pour ne pas dire carrément menaçantes, avaient commencé à se répandre, comme, par exemple, Celui qui n'expose pas le drapeau immortel de la patrie à sa fenêtre ne mérite pas de rester vivant, Ceux qui ne brandissent pas bien haut le drapeau national sont des vendus à la mort, Rejoignez-nous, soyez patriote, achetez un drapeau, Achetez-en un autre, Achetez-en encore un autre, A bas les ennemis de la vie, ils ont de la chance que la mort n'existe plus. Les rues étaient un authentique champ de foire d'oriflammes déployées, battues par le vent lorsqu'il soufflait ou, quand ce n'était pas le cas, remplacé par un ventilateur électrique placé adéquatement, et si la puissance de l'appareil n'était pas suffisante pour que la bannière flotte virilement, l'obligeant à émettre ces claquements de fouet qui exaltent tellement les esprits martiaux, elle faisait au moins onduler honorablement les couleurs de la patrie
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