Je n'aime pas la Télévision, sourire plaqué d'un côté de l'écran, sourires béats et digérants de l'autre. (p.81)
« Aujourd’hui l’ardoise est chargée, elle m’accable, et je ne peux la régler qu’avec des mots, je n’ai plus rien d’autre. Plus rien, ni abri ni véhicule ni amie ni richesse, rien que les mots que je porte lourds dans les tripes, ceux que je n’ai pas encore écrits et qu’il faudrait bien que je crie un jour, rien que cet amour prisonnier que je veux porter à bout de bras au-dessus du temps et de la noyade, que veux approcher réaliser à chaque seconde »
« A ces souvenirs-là, je n’aime pas beaucoup penser ; j’en parle du bout des lèvres avec agacement ou ennui : le jour où je me suis avisée du monde réel et sans rêve qui m’entourait, mon enfance est devenue un paquet de lambeaux tristes. »
Ce soir, pendant que je ferai la vaisselle, cette nuit pendant que je dormirai, (mon manus on ne peut le lire que d’une traite), un homme me découvrira, me dénudera comme une mante ; il fera l’amour avec mon livre, il aura dans les mains, dans les yeux, dans la tête ma vérité toute nue, enfin.
Comme c’est bon, comme ça fait battre le cœur, le premier lecteur, comme c’est meilleur qu’un éditeur ! J’en frissonne de joie et d’appréhension, c’est comme si j’allais perdre mon pucelage…
Comme il fallait s’y attendre, mon lecteur n’en a pas dormi de la nuit…
259 - [Le Livre de Poche n° 2705, p. 302]
Je tourne une page, et, l'air détaché, je me mets à fredonner: «Va t'faire enculer, va t'faire enculer. Avec la balayè-è-è-te».