Un jour, ma mère n'est plus allée au Monoprix, lieu de toutes les convoitises.
Elle n'a plus envie de rien.
"C'est trop loin", dit-elle, et j'entends que c'est elle qui s'éloigne.
Une chorégraphe brésilienne présente un spectacle où les danseurs sont absolument nus, tandis que les spectateurs, bien sûr habillés, assistent debout à la représentation, placés sur le plateau. Dans les premiers moments l’œil est sans arrêt attiré par les parties sexuelles, chacun lutte comme il peut avec ses pulsions scopiques autant qu'il s'y livre. Se crée, au fur et à mesure de la représentation, un étrange rapport aux danseurs, fait de tendresse, de prévenance, de sollicitude. Nous les rhabillons sentimentalement pour, probablement, sortir de la déception de la place des voyeurs (il n'y a rien à voir) et maintenir les danseurs dans un rapport d'égalité, annulant ainsi la position dominante qui nous était assignée.
Habits, habiter, habitus, être là, vivre ici. Et avoir un manteau. Je crois les avoir tous en mémoire, sans doute parce que leur achat était un geste lourd en mémoire, sans doute parce que leur achat était un geste lourd dans mon enfance. Un investissement "immobilier", non seulement du fait de son prix élevé, mais parce que le manteau est bien une sorte de maison, un enclos, une hutte contre les froids de nos hivers, mais qui permet de sortir, d'être dehors, de devenir une passante. Le manteau me rend passante dans les rues froides de la ville.