Pendant ce temps, Rita, cette femme avec qui il avait sans l'aimer fait un petit bout d'homme, cette femme avec qui il avait pris un crédit sur vingt ans, cette femme qui ne se trouvait pas chez eux cette nuit, cette femme avait changé de vie. Le changement de vie est une chose difficile à comprendre pour les gens qui n'ont pas de vie à proprement parler. Ceux qui se sont toujours contentés de subir, ceux qui se sont dit "c'est comme ça" plutôt que "je voudrais que ça soit comme ça"; ceux-là ne comprennent et n'acceptent jamais le comportement de gens comme Rita. Le vénérable docteur Rippenblatt et tous ses gargouillis gastriques ne pourraient pas commencer à apercevoir le début du bout du pourquoi de son départ. Ce sont les mêmes gens qui ne comprennent pas qu'on puisse tout donner ou tout reprendre, juste par amour. Ce sont les mêmes gens qui ne voient pas que les chansons, les poèmes et toutes les histoires ne sont que des prétextes. Le vrai texte il fait l'écrire soi-même.
- Alors donnez-moi un nom, qu'attendez-vous ?
- Tout le monde a un nom.
- Pourquoi pas moi ?
- Parce que vous n'êtes personne, Docteur, vous êtes une ombre, une idée.
- Mais...
- Un ventre, des habitudes et des préjugés ça n'a jamais fait un homme.
- Alors comment devient-on un homme ?
- C'est simple Docteur, il faut aimer.
Rita Rippenblatt portait un rouge à lèvres extra-brillant mais n'était pas une femme extra-brillante pour autant. Ce genre de constat l'avait toujours énervée. Quand on fait tout pour que ça marche, ça doit marcher un point c'est tout.
Lancement du Dictionnaire du nouveau devant l'Académie Française