Ys n'a jamais sombré.
Loin d'être engloutie, la cité se dresse sur cette île perdue dans l'Atlantique Nord, indépendante, fièrement fortifiée, théâtre de milliers d'existences, de ces destins apparemment insignifiants mais qui alimentent un flot de vie riche, intarissable, dont l'autrice brode chaque fil pour donner naissance à ce roman vêtu de légendes.
Et par la légende vivent les Hommes.
Une épopée maritime qui s'affranchit justement du voyage pour nous offrir une sorte de huis-clos insulaire, où c'est la mer qui va et qui vient, qui nourri et détruit.
Si la figure de Danaé se propose comme le fil rouge du roman, son évolution se construit par celles des autres et par celle d'Ys dont l'histoire nous est racontée bribe après bribe, incrustées entre les chapitres.
Inhospitalière Ys, dont on se dispute le coeur, où vivre intra-muros devient le but ultime de l'existence - échapper, à tout prix, aux grandes marées équinoxiales. Sauf que Danaé sait nager. Et par cette capacité, elle apportera peut-être la faille à cette apparente immuabilité.
Se lancer dans le roman de
Dominique Scali, c'est mettre les voiles pour un long voyage, un voyage fait de vieux français quelque peu rudoyé par les embruns agressifs, de rumeurs océanes et de dangereux récifs ; c'est lever l'ancre pour 700 pages de langueurs bleues et grises, de retours en arrière, de joies éparses et d'amertumes certaines.
Prenez le temps, car il est long, et ce sera mon regret ; il est de ces périples qui semblent interminables mais qui, une fois achevés, vous laissent un sentiment pugnace, flottant entre manque et soulagement. Ainsi se fera le périple de "
Les marins ne savent pas nager" : dans une tranquillité crue et inébranlable. Cela dit, une ou deux centaines de pages de moins lui auraient donné plus d'élan, d'intensité même ; je l'ai trouvé parfois morose, perdant couleurs et pertinence là où la plume s'égare, rebondissant d'anecdotes en anecdotes, m'arrachant malgré moi quelques bâillements.
Mais il y a toujours ce côté fascinant propre aux romans maritimes qui finit par me convaincre. L'autrice s'empare de ses codes, les digère et les recrache pour nous livrer une proposition pointue, originale et audacieuse dans laquelle le fantastique sert un propos finalement universel.
Les souvenirs en seront, paradoxalement, à la fois brumeux et prégnants.