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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Bien qu'inachevée, c'est l'oeuvre la plus connue de Scarron : elle a eu des nombreux admirateurs célèbres, dont bien sûr Théophile Gautier, qui s'en est inspiré pour son Capitaine Fracasse. Elle continue à être lue et étudiée et figurait même cette année au programme de l'agrégation, plusieurs éditions, y compris en poche sont disponibles, confirmant le statut d'incontestable classique du livre.

Comme cela se faisait à l'époque, le roman comique était composé de plusieurs parties : Scarron publie la première en 1651, et elle obtient un grand succès ; la deuxième partie ne sortira pourtant qu'en 1657. En 1659 il prend un privilège pour publier la troisième partie, dont il cite la première phrase dans une lettre, mais il n'aura pas le temps de l'achever et ce qu'il a écrit a été perdu. Nous ne saurons donc jamais comment il voulait terminer son roman, même si certains développements paraissent probables pour correspondre aux normes en vigueur de son temps.

Le roman commence par le célèbre incipit (début d'un texte censé le définir) qui décrit l'arrivée d'une troupe de comédiens dans la ville du Mans. le contexte est posé : nous suivrons les destinées pittoresques d'un groupe exerçant cette profession à la fois honnie (les comédiens étaient considérés comme infâmes au sens juridique du terme) et fascinante, d'autant plus que le théâtre et la profession elle-même devenaient de plus en plus respectables, avec ses grands auteurs, ses troupes parisiennes célèbres faisant les délices de la cour et des grands. L'auteur montre aussi dans la description des membres de la troupes et des incidents qui émaillent leur arrivée une veine burlesque, et se positionne comme narrateur, qui s'autorise des interventions, des digressions, une sorte de regard un peu extérieur et amusé sur ce qu'il nous raconte. Il y a un parti pris d'une certaine distanciation de l'auteur par rapport à son récit et il nous l'annonce d'emblée. C'est aussi une façon d'établir une relation de connivence avec le lecteur.

Le récit joue en réalité sur deux registres : une veine comique et burlesque, en particulier dans tous les incidents de la vie d'une troupe d'acteurs arrivant pour jouer dans des petites villes, des mésaventures provoquées par promiscuité de vie d'auberge, des personnages ridicules qui veulent se mêler à la troupe sans en connaître les codes. En même temps, certains personnages de la troupe, en particulier le Destin, et Mademoiselle l'Etoile, le couple des jeunes premiers, ont un passé romanesque, ils se sont réfugiés dans la troupe pour fuir des malheurs et des ennemis, nous apprenons petit à petit leur histoire, et des révélations sont sans doute à venir. Les parties du roman qui sont consacrés à ces récits sortent du cadre burlesque, et adoptent les codes du romanesque, inspiré de la littérature espagnole dans laquelle Scarron a beaucoup puisé, en particulier pour ses pièces de théâtre. le récit est par ailleurs interrompu à plusieurs reprises par des personnages qui racontent des histoires, qui elles aussi sont romanesques à souhait (histoires d'amour avec des inconnues masquées, enlèvements, duels etc). C'est donc une oeuvre complexe et hybride, qui malgré cela a l'air de couler de source, tant l'auteur paraît maîtriser son affaire, et passe d'un registre à un autre, d'un récit à un autre naturellement. Sans oublier de s'interrompre au moment où le lecteur voudrait à tout prix connaître la suite.

Deux personnages principaux sont le coeur du roman : le Destin, comédien au passé obscur, élevé en gentilhomme, noble et courageux, et Ragotin, un petit bourgeois rencontré au Mans par la troupe, qui se pique de vouloir devenir auteur, et qui passe son temps à se couvrir de ridicule. Ils forment les deux pôles inversés du récit, et se complètent par leurs oppositions. Mais de très nombreux personnages font une apparition plus ou moins longue dans le récit : les comédiens de la troupe, qui semblent avoir des secrets à cacher, des personnages drôles ou inquiétants qui viennent à la rencontre de la troupe, et dont certains vont aussi révéler des éléments cachés.

Souvent appelé le roman des comédiens, le roman comique dépeint d'une manière passionnante la vie d'une troupe « de campagne » au milieu du XVIIe siècle. La façon dont travaillaient les comédiens, par exemple en devant être capable de jouer plusieurs rôles à la fois au pied levé, la présence dans la troupe d'un décorateur, d'un portier, comment un valet pouvait devenir progressivement membre de la troupe s'il faisait ses preuves etc. Mais aussi l'inconfort et la précarité voire les dangers d'une vie sur les routes, le peu de considération, surtout pour les femmes, considérées souvent comme des femmes faciles voire des prostituées. Même si les choses bougent, et que Scarron le met en valeur, plaidant à certains moments de son livre pour cette reconnaissance qui commence à venir. Auteur à succès de pièces de théâtre, il connaissait parfaitement ce milieu, et pouvait le dépeindre d'une façon juste. En clin d'oeil, la troupe joue d'ailleurs une de ses pièces, Don Japhet d'Arménie.

Nous sommes d'une certaine façon dans une représentation, de bout en bout. Depuis l'entrée au final très théâtrale de la charrette des comédiens, dont l'arrivée constitue la première scène, qui éveille l'intérêt, fait supposer un certain nombre de choses, mais donne peu d'explications vraiment univoques. Les comédiens semblent comédiens en permanence, aussi bien lorsqu'ils jouent une pièce, que lorsqu'ils déroulent leurs existences, ces dernières obéissant aux lois du genre romanesque, et par-là peuvent être assimilées à une fiction, et identifiée comme telle par le lecteur, car elles obéissent aux codes et schémas qui lui sont habituels. Tout cela sous le regard mi-bienveillant mi-amusé d'un auteur qui rappelle régulièrement sa présence en commentant ce qui arrive.

Un merveilleux livre, qui n'a comme seul défaut de ne pas avoir été achevé.
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Voilà un roman qui détonne !
À la croisée des chemins entre le Capitaine Fracasse de Gautier, les romans de Rabelais et le roman picaresque.
Ce chef-d'oeuvre est singulier et sa lecture a été pour moi un vrai bonheur.
Quelques récits sont imbriqués à l'intérieur du roman et désorientent le lecteur. L'auteur, par l'intermédiaire du (et des) narrateur(s) joue avec nous et se joue de nous et je me suis laissée prendre au jeu.
Scarron se moque des héros tout droit sortis des "romans idéaux", les piétine et nous propose des personnages nettement plus atypiques et comiques (parfois malgré eux), une troupe de théâtre.
L'auteur y déploie un réalisme qui n'en reste pas moins fantaisiste!
Sans plus attendre, lancez-vous dans cette lecture singulière, déroutante et exaltante !
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C'est merveilleux, le roman comique. D'abord, c'est écrit avec une verve incroyable, et puis Scarron n'a aucune pitié envers ses personnages, leur fait subir mille maux pour notre plus grand plaisir. Et puis, c'est coloré, c'est riche, vraiment. Un grand classique qui provoque l'hilarité, aujourd'hui plus qu'en 1620 peut-être...
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Le titre annonce déjà une dualité dans le genre même de l'oeuvre : il s'agit d'un « roman », qui se caractérise alors par la noblesse de ses personnages et de son style d'écriture. Cependant, il se trouve qualifié ici par l'adjectif « comique » qui relève de la comédie, du burlesque. L'auteur se positionne d'emblée à contre-courant de l'esthétique romanesque de son époque (préciosité, classicisme) car il fait le choix de peindre une réalité médiocre, celle des pauvres acteurs ambulants, des aubergistes malicieux, des voleurs de grand chemin.
Les tonalités du roman sont donc discordantes, oscillant entre légèreté dans la narration des récits rocambolesques dans un milieu populaire, et sublime, avec des histoires enchâssées de personnages nobles et héroïques. Ce ne sont là que parodie des « grands romans » chevaleresques racontées sur un ton sérieux.
Ce qui permet de surcroît à Scarron d'être aussi moderne et irrespectueux des codes littéraires, c'est bien le recours à la comédie divertissante qui envahit tout son roman. Il nous offre un précieux aperçu du théâtre de province, où la farce violente et grossière continue à séduire. Mais cette farce, qui est là pour faire rire, ne provient pas des représentations dramatiques de nos comédiens, mais bien de leurs mésaventures. A noter que la troupe joue des pièces importantes du répertoire classique, comme La Mariane de Tristan L'Hermite, le Cid ou Nicomède de Corneille. C'est là une volonté de l'auteur de réhabiliter les pauvres acteurs itinérants, dans la continuité de l'ordonnance de Louis XIII relevant les comédiens de leur déchéance. Et surtout, nous avons l'occasion précieuse d'imaginer les débuts de Molière en province.
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