Seuls les postes nobles sont tenus par les Allemands: le pont, la machine, la passerelle, m'explique l'officier des pêches, on ne trouve plus d'Allemands pour le travail du poisson. [...]
Quand ils ont le mal de mer on leur colle un suppositoire de nautamine... tout est très bien organisé, à l'allemande... de la musique douce diffusée en permanence par hauts-parleurs, comme chez Volkswagen. Et en France, ça viendra bientôt, quand on aura épuisé notre bon stock de Bretons, de Normands, de Basques... [...]
La mer change. Tout change, il faut bien, mais... je ne suis pas sûr que ce soit pour le meilleur... enfin ce que représente la mer depuis toujours: ... ce... l'illusion d'une immense liberté. Le jour où tout ça ne sera plus traité qu'à coups de suppositoires dans le cul... Ah! trop difficile à expliquer...
J'ai souvent remarqué que les ravages de la maladie semblent dégager les traits profonds du caractère, décaper les visages du superflu pour faire ressortir l'essentiel.. Chez les uns on découvre étonné une énergie inconnue, chez les autres une vulgarité, une bassesse insoupçonnée, parfois une innocence d'enfant. Ce qui domine, ce matin, chez le commandant, c'est sa noblesse. Sous la lumière crue de la lampe de chevet qui souligne le squelette de son visage maigre, il me fait soudain penser à Don Quichotte sur son lit de mort dans une illustration de Gustave Doré.
Comme s'il n'avait plus ni doute ni espérance, comme s'il avait déjà mené une enquête silencieuse sur son cas et accepté son propre verdict
« Commander des hommes, ce n’est pas leur demander l’impossible, c’est exiger le possible. Mais c’est aussi aller le plus loin possible, le plus près possible de l’impossible… Il faut savoir. »
" Le pays Bigouden... c'est le menton de la France"... cette tête d'aigle qui avance dans l'Atlantique... Cassus Clay, Muhamad Ali - et tous ses prophètes peuvent taper dessus ! Toutes les tempêtes de l'Atlantique tapent dessus....Rien, ça ne bouge pas ! Les Bigoudens, ça ne bouge pas. Ça a la tête dure"
Il buvait pas mal, surtout le soir, quand le coeur de l'homme est attendri par la nuit qui descend.
Le commandant a un geste brusque, sa pince d'acier claque sur la table.
« Balivernes, dit-il avec une violence qui me surprend, le choix de l'homme n'est pas entre ce qu'il croit le Bien ou le Mal - ce serait simple et définitif - mais entre le Bien et un autre Bien, entre deux valeurs essentielles, qui tout à coup. par une sinistre facétie du destin se trouvent en contradiction.
Il faut choisir. Et en choisissant un Bien on renie l'autre... »
Nous avions le sentiment que le temps qui passe - le terrible Temps qui décolore, use, érode, grignote; qui tue toujours à la fin - ne pouvait rien contre nous.
Seigneur, dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri. Car moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres ; et je dis à l’un Va ! et il va ; à l’autre : Viens ! et il vient”… Jésus répond : “Va, qu’il te soit fait selon ta foi…” Bonne oraison pour un soldat. Qu’il nous soit fait selon notre foi… notre foi en la rectitude de nos choix…
Où sont les nuits blanches et merveilleuses des veilles de bataille ?