"Fear of the dark
Fear of the dark
I have a constant fear that something's always near..."
(Iron Maiden)
J'ai toujours un frisson de plaisir anticipatif quand j'ouvre une histoire de maison hantée. Les ingrédients qui composent ces textes restent sensiblement les mêmes depuis
Pline le Jeune (et sans doute encore bien avant lui) et on sait plus ou moins d'avance ce qui nous attend derrière la porte vermoulue de la mystérieuse demeure chuchotante... mais qu'importe ? Je dirais même que sans certains invariables "clichés" du genre le récit ne pourrait pas fonctionner comme il se doit, et un bon conteur saura les utiliser à son avantage. C'est un peu comme à la loterie. Les numéros qui tournent dans le tambour restent toujours identiques, et c'est la combinaison sortante qui fera de vous un gagnant.
Le roman de
Scott Thomas n'était pas tout à fait un jackpot, mais presque. L'histoire est menée tambour battant (tant que j'y suis), et j'ai vraiment passé un bon moment, tendue comme des bretelles à l'instant où j'ai franchi le seuil de la maison abandonnée de Kill Creek.
L'idée de départ est séduisante. Réunir quatre écrivains d'horreur dans une maison réputée "hantée" pour une interview à l'occasion d'Halloween ne manque pas d'originalité, et permettra à ces alchimistes de la terreur littéraire de goûter à leur propre potion. Les protagonistes ont chacun leur vision spécifique du "mal", ce qui apporte des moments et des dialogues intéressants non seulement quand ils acceptent de jouer le jeu de la fameuse interview, mais aussi quand la maison commence à donner les premiers signes de son éveil.
La frasque d'Halloween aurait pu s'arrêter là, mais en quittant le Kill Creek le lendemain, les invités ne savent pas encore qu'ils ne sont pas partis tout à fait seuls...
La rumeur nourrit le mal, et les rumeurs propagées en masse se transforment souvent de façon étonnante en réalité. Aucun "point froid", aucune illusion d'optique bien définie... l'histoire ne pourrait pas fonctionner sans les mirages qui paraissent réels, ni sans la réalité que les héros voudraient désespérément éconduire comme un mirage. La gradation est parfaitement dosée depuis l
a présentation des personnages et leur première confrontation à Kill Creek, jusqu'aux signaux annonçant que quelque chose va très sérieusement de travers. Des signaux d'abord timides, mais ensuite vous commencerez peut-être à scruter avec inquiétude les coins sombres de votre chambre en y devinant des ombres malsaines. A entendre le grincement du fauteuil roulant de Rebecca Finch derrière la porte, et la voix râpeuse de Rachel juste derrière vous.
La première brique est tombée...
L'écrou se resserre d'un tour.
Mais ce n'est pas tout. le roman de
Scott Thomas contient aussi un méta-niveau particulièrement appréciable pour les amateurs du genre.
Le récit s'ouvre sur un cours universitaire sur le roman gothique, et les observations de Sam McGarver sur le mystère, peurs refoulées, punitions et péchés font office de proverbiaux fusils sur le mur, que l'auteur compte utiliser plus tard pour tirer. Tout s'imbrique admirablement
après sa rencontre avec les autres participants à l'aventure : dans leurs mutuelles provocations, chamailleries et confidences, le livre monte encore d'un cran supplémentaire en qualité et en amusement du lecteur. Les meilleurs passages consistent précisément en ces dialogues : des clins d'oeil au lecteur et à sa prédilection pour tel ou tel type d'auteur, et une déclaration d'amour aux maîtres de frissons littéraires.
Il reste quelque peu paradoxal que Thomas sait très bien extrapoler le style et définir le public de, disons,
R.L. Stine (Daniel Slaughter),
Clive Barker (T.C. Moore) ou
Stephen King (Sam McGarver et Sebastian Cole), mais je ne saurais pas dire s'il a vraiment trouvé un style propre à lui-même.
J'y vois surtout un écho de King... peut-être carrément de "Ca", dans la mesure où les protagonistes finissent par se réunir à nouveau à l'endroit où tout a commencé, afin d'affronter leurs plus grandes peurs.
Excepté la fin... ! Un happy end classique d'horreur, qui étirera définitivement votre rictus satisfait d'une oreille à l'autre. 4/5