Nous traversons une route de campagne. Trois hauts conifères bordent la voie verte sur ma gauche. Leurs troncs sont garnis de lierre. Une bouffée d'empathie inexplicable m'envahit. Je me sens soudain comme eux : étouffée. Etouffée par les conventions, par les règles, par la société, par mon éducation, par ma fierté... Etouffée par le monde entier.
Tant de bonheur dans de si petites choses...
Même la vaisselle se révèle un moment de plaisir.
Je marche.
Tout est simple.
Tout est parfait.
Au carrefour suivant, comme à beaucoup de croisements, une croix s’élève. Elle est taillée dans le granite. Signe ostentatoire de la religion dominante de notre beau pays laïque. Je songe avec ironie aux nombreux scandales dès qu'une autre croyance est mise en avant. La tradition et l'identité nationale ont parfois bon dos...
Je suis à présent nettoyée, légère,ouverte.Je me découvre comme nue, j'ai renoncé toutes les couches enfilées depuis ma naissance:les portes fermées par mon éducation,les constructions mentales forgées par la culture dans laquelle j'ai grandi, les armures censées me protéger des autres...
J'ai retrouvé mon enfant intérieur, dans toute son innocence, dans toute sa spontanéité. Je suis moi, enfin.
Au carrefour suivant, comme à beaucoup de croisements, une croix s'élève. Elle est taillée dans le granite. Signe ostentatoire de la religion dominante de notre beau pays laïque.
Le sentier est humide, mais le soleil s'est décidé à percer les nuages et si mes pieds sont au frais, mon dos profite du moindre rayon filtrant à travers les arbres.
En cet instant présent, je voudrais être partout sauf là.
Quinze kilomètres, il ne doit pas falloir plus de quatre heures pour les parcourir. ça ne me semble plus si insurmontable, tout à coup. Imaginons dix heures de sommeil, avec mes médocs, c'est une bonne moyenne... ça laisse dix autres heures à tuer chaque jour. Je vais m'ennuyer à mourir, ce n'est pas possible ! J'espère qu'il restera de la place pour glisser un livre ou deux sur le dos du bourricot ou dans mon sac.