5150, rue des Ormes

Horreur. Abomination. Démence. Mais ce ne sont que des mots sur le papier. Dans mon âme, je ne ressens absolument rien.

Anne ouvre la bouche lentement. Toute grande, immense! Et même, si aucun son ne franchit ses lèvres, je comprends qu'elle hurle, dans un abominable silence. Je mets les mains sur mes oreilles, car ce hurlement silencieux est le cri le plus insoutenable que j'ai entendu de toute ma vie.

Je vais mourir. Je le sais.
Il va me tuer et je vais mourir pour rien, sans avoir jamais compris pourquoi. Cette idée est plus horrible et plus déchirante que la mort elle-même,
j’en suis convaincu.

Fou.
Un mot tellement banal, employé à tort et à travers. Pourtant, c'est le premier et le seul qualificatif qui me traverse l'esprit en ce moment. Alors je l'écris, et tant pis pour les clichés.

Le raz-de -marée de l'horreur a quitté mon être, emportant tout avec lui. Ses ravages ont creusé un trou dans mon âme, d'une profondeur sans fond, qui mène à l'abîme absolu.

Il existe des degrés de souffrance si élevés qu'on ne sait plus ce qui se passe ni ce qu'on fait.

C’est en retournant dans le couloir que j’entends le râle.

Pas un soupir ni un murmure, mais un vrai râle. De fatigue, de peur ou de souffrance, je ne saurais trop dire. Je pense à la fillette, mais une seconde manifestation m’indique que ça vient de derrière la porte du fond. Je marche vers celle-ci, sans ressentir encore la peur. Pourquoi aurais-je peur ? Quand on est convaincu que tout va bien, qu’on commence ses cours dans quelques jours, qu’on va appeler un taxi dans deux minutes et que cette maison est tout à fait normale, il n’y a aucune raison qu’un simple râle nous fasse peur. Ça peut être n’importe quoi !

Je suis fou.
Non. Non, c'est plus compliqué que ça. La folie est un mot passe-partout utilisé pour qualifié quelque chose qu'on ne comprend pas. Moi, je me comprends.
Ce que je fais est peut-être dément mais logique malgré tout.

J'ai découvert Patrick Sénécal au début des années 2000 ! Une vraie trouvaille de qualité ! Un auteur hors pair. J'ai tout simplement adoré. Depuis j'ai lu d'autres de ses romans : Aliss, les 7 jours du Talion, le Passager... tous aussi bons les uns que les autres. Un auteur québécois à découvrir vraiment !

Il ne peut pas me tuer, car je n’ai rien fait d’injuste. S’il me tuait, plus rien ne tiendrait, tout son système s’écroulerait et cela le rendrait semblable aux non-justes qu’il combat.