Il est peu digne d’un homme d’aller cueillant de menues fleurs, de s’appuyer d’un petit nombre d’adages rebattus, de se guinder sur des citations. Qu’il s’appuie sur lui-même, que ce soit lui qui parle, non ses souvenirs. Honte au vieillard et à l’homme arrivé en vue de la vieillesse qui n’a pour sagesse que de remémorer celle d’autrui.
Un bon pilote sait naviguer les voiles déchirées.
La foule t'applaudit ! Eh ! qu'as-tu à te complaire si tu es de ces hommes que la foule comprend ? C'est au-dedans de toi que tes mérites doivent briller.
C'est d'être nulle part que d'être partout.
Ceux dont la vie se passe à voyager finissent par avoir des milliers d'hôtes et pas un ami.
Plura sunt, Lucili, quae nos terrent quam quae premunt, et saepius opinione quam re laboramus...Illud tibi praecipio ne sis miser ante tempus, cum illa, quae velut imminentia expavisti, fortasse numquam ventura sint, certe non venerint.
Plus nombreuses sont, Lucilius, les choses qui nous épouvantent que celles qui nous terrassent...Voici mon conseil: ne sois pas malheureux avant le temps, alors que ces maux dont tu redoutes la menace, comme si elle était proche, ne viendront peut-être jamais, et du moins ne sont pas encore arrivés.
II, 13.
Car le plus honteux reproche est celui qu’on nous fait d’avoir une philosophie de paroles, non d’actions.
Socrate, vieillard éprouvé par tous les malheurs, poussé sur tous les écueils, et que n'ont vaincu ni la pauvreté, aggravée encore par ses charges domestiques, ni les fatigues des camps qu'il dut subir aussi, ni les tracasseries de la famille dont il fut harcelé, soit par une femme au caractère épouvantable, à la parole hargneuse, soit par d'indociles enfants qui ressemblaient plus à leur mère qu'à leur père.... Tout cela, bien loin de troubler son âme, ne troubla pas même son visage
Qui tu es lorsque tu arrives importe plus que l'endroit où tu arrives, et c'est pourquoi nous avons le devoir de n'assujettir notre âme à aucun lieu.
Pour certaines choses le retranchement total coûte moins que l'usage modéré.
Or, prends-y bien garde, la lecture d'une foule d'auteurs et d'ouvrages en tout genre ressemble fort au caprice et à l'inconstance. Fais un choix d'écrivains pour t'y arrêter et te nourrir de leur génie si tu veux en tirer un profit durable et des souvenirs fidèles. C'est n'être nulle part que d'être partout. Ceux dont la vie se passe à voyager finissent par avoir des milliers d'hôtes et pas un ami. Il arrive fatalement la même chose à celui qui néglige de lier commerce avec un auteur favori pour jeter en courant un coup d’œil sur tous à la fois. (...) La multitude des livres dissipe l'esprit.