Citations sur Lettres à Lucilius (130)
la philosophie n'est pas un art fait pour éblouir
le vulgaire, une science d'apparat : elle est toute de choses
et non de mots. Son emploi n'est pas de fournir un passe temps
agréable, d'ôter à l'oisiveté ses dégoûts; elle forme
l’âme; elle la façonne; elle règle la vie, dirige les actions,
montre ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter; elle sert à
l'homme de pilote, et conduit sa nacelle au milieu des écueils
sans elle, point de sûreté.
La mort est la chose où l'on doit le plus agir à sa fantaisie, l'âme n'a qu'à suivre son premier élan : préfère-t-elle le glaive, la corde ou quelque breuvage propre à glacer les veines, qu'elle achève son oeuvre et brise les derniers liens de sa servitude. On doit rendre compte de sa vie aux autres, mais de sa mort, à soi seul. La meilleure est celle qu'on choisit.
Double écueil qu'il faut éviter : ne point ressembler aux méchants parce qu'ils sont les plus nombreux, ne point haïr le grand nombre parce qu'il diffère de nous. Recueille-toi en toi-même, autant que possible ; fréquente ceux qui te rendront meilleur, reçois ceux que tu peux rendre tels.
[...] réfléchis bien et tu verras que la majeure partie de l'existence se passe à mal faire, une grande part à ne rien faire et la totalité à faire tout autre chose que ce qu'il faudrait.
Perduade-toi de cette vérité : des heures nous sont volées par force, parfois par surprise; nous en laissons d'autre s'écouler. Cependant, la perte la plus honteuse est celle causée par notre négligence : réfléchis bien et tu verras que la majeure partie de l'existence se passe à mal faire, une grande part à ne rien faire et la totalité à faire tout autre chose que ce qu'il faudrait.
Ainsi donc, mon cher Lucilius, hâte-toi de vivre et compte chaque journée pour une vie distincte. L'homme qui s'est donné cette armature, celui qui a vécu chaque jour sa vie complète, possède la sécurité; mais qui a l'espoir comme raison de vivre voit le présent lui échapper d'heure en heure. Alors entre en lui, avec l'appétit de la durée, ce sentiment si misérable qui rend toutes choses misérables: la peur de la mort.
Tout ce qui procède de l'incertain est livré à la conjecture et à l'arbitraire d'une âme épouvantée. Voilà pourquoi il n'est aucune peur aussi malfaisante, aussi incontrôlable que la panique ; toutes les autres privent de la raison, celle-ci de l'intelligence.
Voilà pourquoi il nous faut enquêter minutieusement sur la réalité. Quelque malheur à venir est vraisemblable : dans l'immédiat il n'est pas vrai. Que d'événements inattendus sont arrivés ! Que d'événement attendus ne se sont nulle part produits ! Même s'il est à venir, à quoi sert d'aller à la rencontre de sa douleur ? Tu en souffriras assez tôt quand il sera arrivé : en attendant, promets-toi de meilleurs perspectives.
9. Garde toi qu'une vaine gloriole de publicité n'entraíne ton talent à se produire devant un auditoire peu digne pour y lire ou pour disserter, ce que je te laisserais faire si tu avais pour ce peuple-là quelque denrée de son goût. Mais aucun ne te comprendrait, hormis peut-être un ou deux, et par hasard ; encore faudrait-il les former toi-même, les élever à te comprendre. « Et pour qui donc ai-je tant appris? », penses-tu. - N'aie point peur que ta peine soit perdue : tu as appris pour toi.
“Si nous voulons voir clair dans les causes de nos frayeurs, nous trouverons une grande différence entre ce qu’elles paraissent et ce qu’elles sont réellement. Ce n’est pas la mort que nous craignons, mais l’idée de la mort: elle-même n’est jamais très loin de nous. Si donc la mort est redoutable, elle l’est en permanence: aucun moment de notre vie ne se trouve hors de son atteinte.”
"c'est d'être nulle part que d'être par tout"