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Critique de Fabinou7


Léopold Sédar Senghor, poète et Président du Sénégal durant vingt ans propose, à la fin des années quarante, une anthologie de la poésie francophone d'une quinzaine d'auteurs d'Afrique, des Antilles et de Madagascar.

« Ecoute dans le vent
le buisson des sanglots.
C'est le souffle des ancêtres. »
Bigaro Diop, Sénégal

Dans sa préface, Orphée Noire, Jean-Paul Sartre tente de définir le concept, forgé par Aimé Césaire, de « négritude » comme une certaine « attitude affective à l'égard du monde » ainsi elle est éminemment, faut-il le rappeler, culturelle.

« Trop vieille es-tu, trop vieille, Europe, pour renaître à ces choses-là » Jacques Rabémananjara, malgache. Prisonnière d'une langue occidentale, fruit d'une colonisation forcée, la poésie noire s'attache à défranciser le langage, il ne s'agit pas là d'une spécificité, nombre de poètes s'insurgent contre les associations coutumières du langage, les surréalistes en tête.
Pour défranciser le langage, Jean-Paul Sartre remarque que les poètes s'autorisent de nouvelles associations ou « accouplements » de mots. Ce n'est pas une poésie simple. On peut être dérouté par les agencements, par les allégories, par le traitement de la langue qui ne s'offre pas immédiatement à l'intelligible et au commun.

« Un jour je suis venu pour faire pousser de l'or
je ne me rappelle plus quand
et dès le pur matin sifflait le vol des fouets
et le soleil buvait la sueur de mon sang »
Guy Tirolien, Guadeloupe

« Nous ne leur pardonneront pas, car ils savent ce qu'ils font » Jacques Roumain, haïtien. Epoque oblige, le surréalisme, dandysme révolté et impertinent ainsi que le marxisme prolétarien se mêlent à la résistance au fascisme xénophobe du maître d'esclaves d'hier. Les luttes convergent.
L'art est au service d'un combat, une violence du déracinement, une volonté violente et sensuelle de reféconder la terre natale, d'offrir à nouveau une perspective à ce peuple qui jadis fut un meuble, sous le Code Noir.

« Pou si cyclonn levé pou-ï raché toutt pié-boi ? » Gilbert Gratiant, martiniquais. Si les auteurs rencontrés sont inégaux dans leur art poétique, de l'aveux même de Senghor qui n'hésite pas à donner son avis sur ses confrères, il y a derrière l'apparente linéarité du thème, une poésie ethnique, qui peut échapper aux néophytes, un malgache n'écrit pas comme un créole haïtien ou guadeloupéen (certains poèmes créoles sont en bilingue).

« rendez-les-moi mes poupées noires que je joue avec elles
les jeux naïfs de mon instinct
rester à l'ombre de ses lois
recouvrer mon courage
mon audace »
Léon-Gontran Damas, Guyane

Mes préférences ne sont finalement pas les deux grandes « têtes d'affiche » du recueil que sont Senghor et le martiniquais Aimé Césaire. Mais je pense qu'une seule lecture, linéaire, ne permet pas d'appréhender la profondeur de ces textes.
Néanmoins, j'ai réussi à apprécier d'emblée les rythmes saccadés et entêtants du guyanais Léon-G. Damas, sa « complainte du nègre » et ses « poupées noires », j'ai adoré la mythologie des contes poétiques « d'Amadou Koumba » du sénégalais Bigaro Diop.

Et vous, qu'en pensez-vous ?
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