Quel drôle d‘âge, malaisé, soupire-elle, quarante-cinq ans, il fut un temps où les femmes mouraient à cet âge-là, elles terminaient d'élever les enfants et mouraient, délivraient le monde de la présence épineuse de celles qui étaient devenues stériles, enveloppes dont le charme s'était rompu. »
P.27
Quelles paroles violentes, choquantes et qui interrogent déjà notre identité de femme européenne. Je ne peux que m'identifier à cette femme israélienne, ayant à peu près le même âge et quoi, je serai bientôt bonne à jeter. Certaines femmes, qui ont consacré leur vie à leurs enfants dépérissent quand elles ne sont plus fécondes à la lire et que les enfants n'ont plus besoin d'elle surtout si elles n'ont pas une relation pleinement épanouie avec leur conjoint mais je pense que d'autres s'épanouissent, retrouvant une liberté pour s'occuper enfin d'elles. Ce livre interroge sur nos plus belles années, sur la période où tout est possible et sur l'après. Sur le manque de choix, sur la distance que les enfants prennent vis-à-vis des parents même si on leur a tout donné. Il est pertinent car cette réalité est valable ici comme ailleurs. L'auteur parle de personnages en Israël mais la nature humaine reste profondément la même.
« A l'époque où Nitzane avait encore besoin d'elle, elle respirait à pleins poumons, volait parfois l'oxygène de la bouche des passants croisés dans la rue, mais à présent que sa fille la repousse, la blesse volontairement, elle se fiche de l'oxygène, que les autres en prennent autant qu'ils veulent. «
P.27
Dina souffre de solitude. Son mari, journaliste, ne la regarde pas, travaille trop. Il a changé, s'est éloigné.
« Il fut un temps où le contempler la ravissait , elle se sentait elle aussi la propriétaire de cette beauté-là, mais depuis quelques années une force aussi discrète que la dérive des continents les éloigne l'un de l'autre, et maintenant qu'assise sur le sol elle lève le visage vers lui, voilà que la
douleur intercostale se renforce, elle voudrait l'attirer à elle et l'obliger à s'asseoir, là, par terre, qu'il remarque sa détresse »
P.93
« […]même son silence avait une présence[…]Elle aimait constater encore et encore combien il était à l'aise en ce monde, justement parce qu'il n'avait besoin d'aucune autorisation[…] »
P.381
« Quel paradoxe épineux que ce besoin d'être plein, songe-t-elle, d'autant que nous sommes justement attirés par celui qui va nous affamer et non par celui qui va nous rassasier, sauf qu'elle a aussi l'impression que quelque chose s'est enrayé dans ce processus mystérieux, dès que l'équilibre a été rompu, le néant, telle une éclipse de soleil , a presque totalement absorbé ce qui existait entre eux[…] «
P.381
Elle est professeur mais n'a jamais réussi à finir sa thèse. Elle voulait un deuxième enfant mais Amos n'était pas pour. Son corps se rappelle maintenant à elle, à 45 ans, elle souffre de bouffées de chaleur. La ménopause. Elle ne pourra jamais plus enfanter. Elle regrette. Sa famille ne voit pas sa souffrance. Elle prend soin d'eux mais qui prend soin d'elle. Personne ne voit sa détresse.
« Les pensées peuvent-elles tuer , les désirs négatifs sont-ils destructeurs? «
P.29
De l'autre côté, on a Hemda, sa mère, qui a fait une chute et dont elle s'occupe avec son frère, Avner, un avocat célèbre. L'avocat des opprimés. Il a perdu l'aura et la verve de ses débuts, ne gagne plus de procès, est de moins en moins reconnu dans la rue. Il est devenu l'ombre de ce qu'il était. le beau jeune homme s'est empâté. Salomé, sa femme, ne cesse de le critiquer devant ses fils et il fuit le domicile autant que possible pour ne pas être sa cible.
« Où ont disparu ses muscles? se demande-t-il en remarquant le parchemin vide que ses bras sont devenus, si elle les tend, ça ballotera sous ses aisselles telles des ailes de chauve-souris. C'est que les êtres humains s'amoindrissent, ils se ratatinent petit à petit, la place qu'ils occupent en ce monde rétrécit proportionnellement à la place qu'occupe le monde en eux,
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