Karan Seth, un tout jeune homme, a quitté son village natal pour tenter sa chance, photographe en devenir, dans l'immense et grouillante Bombay. Ses ambitions sont à la hauteur du but qu'il s'est fixé, saisir à travers l'objectif l'essence même de cette mégapole aux multiples visages, sa nature profonde, la fixer le temps d'une pose sur le papier, avant que tout ne change et disparaisse, peut-être... Les archives de Bombay, pas moins.
Engagé dans une agence de presse, il se retrouve promu «paparazzi», travail alimentaire au demeurant, mais au premier abord seulement. Sa première proie, un pianiste aussi génial qu'excentrique, un dandy qui aurait délaissé le piano et la musique pour la vie nocturne et ses excès, entrecoupée de longs moments de réclusion et de solitude. Mais Samar Arora, c'est son nom, n'est pas facile à traquer, le jeune photographe le retrouve néanmoins à une soirée où l'artiste comme un fait exprès se met à danser sur le bar, Karan le mitraille... Il le rencontrera peu après, comme il croisera la route de la célèbre Zaira, jeune et magnifique star de Bollywood. Une amitié naît presque aussitôt entre eux trois, inespérée, intense.... Trio improbable et que tout sépare. Amitié amoureuse qui ne dit pas son nom. Ces trois-là sont liés pour la vie, jusqu'au meurtre. le meurtre de Zaira mortellement touchée par un amoureux éconduit. Sordide...
Et le roman ne fait que commencer, n'en est presque qu'à ses balbutiements, car Siddarth Dhanvant Shanghvi vous emporte bien vite dans ce récit qui pourrait bien s'apparenter à une fresque par l'opulence des détails et des rebondissements. Histoire d'amour, de mort, de corruption et de perte.
Sans concession il épingle la nouvelle Bombay qui n'a rien à envier à l'ancienne, certes la société indienne semble bien s'être «émancipée», mais elle garde en elle, tenaces, tous les préjugés et les injustices dont elle fut et est toujours victime.
Le procès du meurtrier de Zaira est une mascarade... Mais bien au-delà de la critique sociale ou politique, la force du roman de Shanghvi réside à mon avis dans l'étonnante fulgurance qui saisit in fine ses personnages, pourtant bien malmenés par la vie. Tous connaissent, ont connu ou connaîtront, d'une façon ou d'une autre, la PERTE dans ce qu'elle a de plus cruel, perte d'un amour, d'un être aimé, d'un enfant, d'une amitié.
Perte pouvant conduire à la folie, à l'image de la vieille femme saisie au vol par l'objectif de Karan, les yeux perdus, délirante, transie de douleurs...
Perte et rédemption, quand les yeux et le coeur se desillent pour toucher l'essentiel....
Comment font
les derniers flamants de Bombay pour survivre dans un marécage au beau milieu d'une mégapole qui les repousse toujours un peu plus loin ? Où iront-ils, plus tard, alors qu'ils ont tout perdu ?
Peu à peu, lentement, douloureusement, c'est ce que découvriront, les uns après les autres les personnages de ce roman au charme quasi envoûtant. La réponse est là, justement, après la perte. Et c'est très émouvant.
Un livre qui se dévore d'une traite et avec beaucoup d'émotion, porteur d'une certaine sagesse que l'on se plait à méditer, la dernière page tournée.
Lien :
http://lily-et-ses-livres.bl..