J'avance à travers la forêt en me laissant guider par une pointe de lumière isolée, prenant le sentier battu entre les pins, à l'instinct.
Les étoiles brillent dans le ciel telles des pépites d'or au fond d'un tamis.
Elle vient de l'une de ces familles archi-fondamentalistes où les femmes ne sont guère plus que des pondeuses. Ils les éduquent à la maison, les marient jeunes, et s'arrangent pour qu'elles soient continuellement enceintes.
J'aime les bois. Ils sont à la fois très bruyants et très silencieux, la bande-son et la berceuse de ma vie, d'aussi loin que je me souvienne.
" T'as grandi", fait Bobby, et ses yeux se posent sur ma poitrine. Ma peau me picote, cette sensation affreuse que connaissent toutes les femmes, sous son regard insistant.
On y est.
Il faut que je prouve, sans plus attendre, qui je suis.
Ca va décider de tout. Si je suis faible. Si je suis forte. Si je suis digne de faire la loi.
Je respire un grand coup et j'ouvre le coffre.
J'en sors Luke par la peau du cou, et le jette à genoux sur la route devant le demi-cercle formé par les Sons. Ils m'observent, silencieux, prêts à juger, tandis que je m'avance.
J'ai huit ans (...) Ça fait trois semaines et demie que maman est morte, et déjà mes paumes sont gercées par l'escalade. J'ai des croûtes sur les genoux de la fois où je suis tombée du grand séquoia près de la rivière. Mes doigts sont tachés de jus de mûres et mes bras griffés par les ronces. Mes poches se gonflent des trésors que je trouve dans la forêt – des choses qu'elle aurait aimées : des plumes de geai bleu et des cailloux lisses parfait pour faire des ricochets, un gland éclaté qui ressemble à un visage.
J'ai huit ans (...) J'aime les bois. Ils sont à la fois très bruyant et très silencieux, la bande-son et la berceuse de ma vie, d'aussi loin que je me souvienne. Lorsque j'escalade les grands chênes, me hissant de toutes mes forces, lorsque je me cramponne, saute et me balance le long des branches et de l'écorce tel un écureuil, je suis forcée de faire attention, sans quoi je risquerais de glisser et de tomber. Quand je grimpe, je n'ai pas à penser à l'absence de maman. Ni à papa, qui ne sait plus que tempêter dans un nuage de whisky, nettoyant ses fusils en marmonnant des imprécations contre les Springfield en réclamant du sang.
Et je le vois dans ses yeux, le moment où il se rend compte qu'il est foutu. Qu'il n'est rien. Qu'il n'y a rien de plus fort qu'une femme qui s'est relevée des cendres du feu qu'un homme a allumé.
Quelles que soient les circonstances, tuer, c'est dur.