Des heures plus tard, une fois que la tronçonneuse est javellisée et que les produits chimiques désintègrent les restes de Tripp, je sors de la grange de Cooper pour vomir dans les buissons. Des mains pleines de cicatrices et de tatouages ramènent mes cheveux en arrière, et quand je me redresse, m’essuyant la bouche avec la paume de ma main, il baisse les yeux sur moi.
L'amour finit toujours par vous faire céder.
On a tous des déchets, enfouis au fond de nous. Des secrets inavouables, des grosses erreurs.
Le printemps arrive, des étincelles de verdure percent le marron mouillé, détrempé de la fin de l'hiver, et la neige fondue dévale la montagne pour venir alimenter les ruisseaux.
Il pleut, si faiblement que les gouttelettes n'arrivent pas jusqu'au sol, accrochées dans la canopée, dans les feuilles, les aiguilles de pin et la mousse.
Dehors règne cette obscurité pure qu'on ne trouve que loin des villes, loin des maisons, loin des gens.
Nous restons assis là, côte à côte, sans être du même bord, et je me demande combien de temps il pourra tolérer ça.
Combien de temps avant qu'il décide de me donner une nouvelle leçon.
Combien de temps avant qu'il se rende compte que j'ai appris tout ce dont j'ai besoin.
Combien de temps avant qu'il comprenne que l'élève a dépassé le maître.
Les ambitieux sont les plus dangereux.
Will et moi, nous sommes doués pour le silence. Pour nous taire. Pour les non-dits. Pour garder un pied dans l'inconnu.
Les ombres s'allongent devant moi donnant vie à des formes.