Je sors le pick-up de la grange et me dirige vers la forêt et les petits chemins en lacets qui mènent au sommet de la montagne.
Le temps qu’on arrive en haut de la crête qui surplombe la vallée dans laquelle est nichée la propriété, l’aube illumine le ciel. Papa descend de voiture et s’appuie sur le capot. Je le suis.
D’ici, notre maison ressemble à une maison de poupée (…)
« C’est une vue magnifique », dit Papa.
Je fais oui de la tête.
Quand il s’agit de ça, de chez nous, je le comprends tout à fait.
« J’ai autre chose pour toi », dit papa, fouillant dans sa poche arrière pour en sortir une feuille de papier pliée. Au départ, je crois qu’il s’agit d’une lettre ou d’une espèce de carte d’anniversaire de fortune, mais en la dépliant, je m’aperçois que non.
C’est une liste de noms de femmes, suivis chacun d’une somme en dollars correspondante.
« Qu’est-ce que c’est ? », je demande, même si je pense avoir compris.
« Ton boulot, dit Papa. Chaque mois, tu iras récupérer ces sommes auprès des femmes figurant sur cette liste.
Dans le monde que gouvernent des hommes comme mon père ou Carl Springfield, les rubinettes sont à moi. Une extension de moi, un héritage de maman.
La veste de Duke est trop grande pour moi, mais je la porte quand même, les manches roulées trois fois pour garder les mains libres
Je connais cet endroit mieux que quiconque, à part lui. Ses dangers et ses secrets. Certains d'entre eux, je les emporterai dans ma tombe- que ce soit dans quarante ans ou dans quarante minutes
Analyse la situation. Protège tes arrières. Ne lâche jamais ton arme. Et si tu dégaines, t'as intérêt à être prête à tuer, mon Harley.
C’est tendre, c’est délicat, jusqu’au moment où ça ne l’est plus. Jusqu’au moment où toutes ces années de désir nous rattrapent. Ce contact doux comme de la soie devient une profonde vénération dans le temps qu’il faut pour reprendre son souffle, et tout d’un coup ses mains sont sous ma chemise, les miennes sur sa ceinture.
Will s’est toujours mieux exprimé sans mots. Il dépose un baiser sur ma bouche, qui contient tout ce qu’il veut dire. Avant qu’il recule, son message silencieux se répand sur mes lèvres.
Ils sont partis tous les deux désormais. Maman est partie depuis si longtemps que c’est devenu naturel, une souffrance qui mijote et ne se met à bouillonner que très occasionnellement. Mais Duke…
Et je le vois dans ses yeux, le moment où il se rend compte qu’il est foutu.
Qu’il n’est rien. Qu’il n’y a rien de plus fort qu’une femme qui s’est relevée des cendres du feu allumé par un homme.
Il donne, pensant que c’est le début.
Je prends, sachant que c’est la fin.