Maigret ne suivait pas de plan établi. Il n'avait aucune idée. Il était un peu comme un chien de chasse qui va et vient en reniflant. Et cela ne lui déplaisait pas, au fond, de retrouver l'air de ce Montmartre-là, qu'il n'avait pas respiré depuis des années.
Chavanon ne se montrait guère enthousiaste. Maigret s'y attendait. Dans presque toutes les professions, il existe un esprit de corps. On peut parler librement les uns des autres, entre soi, mais on apprécie peu une intrusion étrangère. A plus forte raison quand il s'agit de la police !
(NDL : Maigret interroge à titre personnel un avocat (Chavanon) sur l'un de ses collègues.)
Le Palais de Justice était à peu près vide, avec des courants d'air dans les vastes couloirs, et, quand il poussa la porte du greffe, il ne trouva personne. C'était curieux. N'importe qui aurait pu entrer, fouiller dans les classeurs verts qui garnissaient les murs jusqu'au plafond. N'importe qui, aussi, pouvait aller décrocher une robe dans le vestiaire des avocats, sinon s'asseoir dans le fauteuil d'un président de cour.
- Le Jardin des Plantes est mieux gardé... grommela-t-il.
Il y a des avocats qu’on voit rarement au Palais et qui n’en ont pas moins une clientèle importante… Ce sont ceux-là qui gagnent le plus d’argent… Ils sont avocats-conseils de grosses sociétés… Ils connaissent à fond les lois sur les sociétés et leurs moindres subtilités…
[...] ... [Maigret] avait horreur de ne pas comprendre. Cela devenait une affaire personnelle. Il en revenait toujours aux mêmes images : Emile Boulay, en complet bleu, sur le seuil du Lotus, rentrant dans le cabaret, téléphonant, n'obtenant pas la communication, tournant en rond, téléphonant encore, puis encore, sous le regard indifférent de la demoiselle du vestiaire.
Ada était rentrée chez elle. Antonio s'occupait des premiers clients, rue de Berri. Dans les quatre cabarets, les barmen rangeaient leurs verres, leurs bouteilles, les musiciens essayaient leurs instruments, les filles se harnachaient dans des loges sordides avant de prendre leur place devant les guéridons.
Boulay parlait enfin à son correspondant, mais il ne partait pas tout de suite. Le rendez-vous n'était donc pas immédiat. On lui avait fixé une heure déterminée.
Il attendait de nouveau devant la porte, tirait plusieurs fois sa montre de sa poche et, tout à coup, se dirigeait vers le bas de la rue Pigalle ...
Il avait dîné à huit heures. D'après le médecin-légiste, il était mort quatre ou cinq heures plus tard, c'est-à-dire entre minuit et une heure du matin.
Au moment où il quittait le Lotus, il était onze heures et demie.
Il lui restait entre une demi-heure et une heure et demie à vivre. ... [...]
resta là, debout, à regarder la fenêtre ouverte, le feuillage bruissant des arbres, les bateaux qui glissaient sur la Seine et les passants qui gravitaient comme des fourmis sur le pont Saint-Michel.
L’auto de sport rouge, devant la porte, lui appartenait sans doute. Elle s’harmonisait avec son allure, avec ses vêtements clairs trop bien coupés, avec la lourde chevalière qu’il portait au doigt.
Il n'avait pas pensé au dimanche. Il avait horreur d'interrompre une enquête, prétendant qu'une des principales chances de succès est la rapidité. Plus les jours passent et plus il est difficile d'obtenir une précision des témoins. Lui-même avait besoin de rester sur sa lancée, de coller avec le petit monde dans lequel il se trouvait plongé.
Elle était jolie, sympathique, et sa robe de nylon blanc révélait un corps appétissant.
On voyait des monceaux de cerises et déjà des pêches dans les charrettes des marchands des quatre saisons entre lesquelles se faufilaient les ménagères. Paris était très gai ce matin-là, avec plus de passants sur les trottoirs ombragés que sur ceux que le soleil frappait en plein.