Des myriades de cieux et de terres partagent avec moi le même corps
Une maladie est en moi. C'est un fait. Mon travail va être de ne pas être, moi, dans la maladie.
Une maladie est en moi. C'est un fait. Mon travail va être de ne pas être, moi, dans la maladie.
Toute souffrance morale est notre incapacité d’expérimenter les choses comme elles sont, comme elles viennent à nous.
Chaque fois que je me levais, je tombais aussitôt d’épuisement. M. m’a conseillé de faire une vraie soupe de bœuf et de boire le liquide ; je l’ai fait avec l’aide de V. et j’ai senti les forces revenir ; mémoire des temps bénis, de ces maladies enfantines qu’on nous accordait encore le temps de traverser avec, à nos côtés, une mère qui connaissait les gestes pour guérir.
On peut monter en maladie comme vers un chemin d'initiation, à l'affût des fractures qu'elle opère dans tous les murs qui nous entourent, des brèches qu'elle ouvre vers l'infini.
Elle devient alors l'une des plus hautes aventures de la vie.
Ne jamais oublier d'aimer exagérément : c'est la seule bonne mesure.
Aujourd'hui, les histoires dans ma tête se lassent, elles ne se laissent plus tisser. le monde s'effiloche. Ce n'est ni triste, ni pas triste. Un autre espace se crée.
Tout ce dont je vis aujourd’hui, j’en ai eu l’intuition enfant : le fait de savoir que chacune de nos existences est un rendez-vous ; qu’on peut le rater ou le célébrer. J’avais cette sensation que le monde m’était confié, et ce n’était pas de la mégalomanie, mais, bien au contraire, de l’humilité. Je pressentais que chacun d’entre nous a, à son échelle, la charge du monde. Par mon désordre, j’entraîne le désordre autour de moi. Si, au contraire, j’entre dans l’ordonnance intérieure de l’amour, je rayonne. Et d’un seul être peut partir un tel rayonnement, qu’il répare une famille, un village, une entreprise… Des expériences comme ça, j’en vois tous les jours. Je n’invente rien.
Je ne fais plus la différence, ou plutôt mon corps ne fait plus la différence entre mien et tien.
Les parois cèdent, tous les barrages cèdent, l'amour envahi tout.
Je sais, bien sûr, que si je dois vivre encore, cette porosité se refermera, mais l'avoir vécu rends la vie à tout jamais sacrée.