Il était conscient que le Mal n'était rien d'autre que le consentement de Dieu à se diminuer Lui-même, afin de créer le monde, de sorte qu'il put être appelé le Créateur et avoir pitié de ses créatures.
Tout en s’affairant, la vieille femme marmonnait entre ses lèvres décolorées et hochait la tête de haut en bas, on eût dit qu’elle détenait une vérité accessible seulement à ceux qui ne sont pas abusés par les vanités de la vie terrestre.
Des juifs - une communauté entière - s’adressaient à un dieu que nul ne voyait. Malgré les calamités, les famines, la pauvreté et les pogroms qu’Il leur réservait, ils exaltaient sa miséricorde et sa compassion et proclamaient qu’ils constituaient son peuple élu. Yasha enviait souvent leur foi inébranlable.
Mais en quoi consistait le Mal ? Cela faisait trois ans que Yasha avait étudié, avec ses maîtres, les livres de la kabbale : il était conscient que le Mal n'était rien d'autre que le consentement de Dieu à se diminuer Lui-même, afin de créer le monde, de sorte qu'Il pût être appelé le Créateur et avoir pitié de Ses créatures. De même qu'un roi doit avoir ses sujets, un créateur doit avoir ses créatures, et un bienfaiteur ses obligés.
(page 304)
Le garçon se tenait devant la table.
— Monsieur désire?
— Payer, fit Yasha.
Le mot avait un sens ambigu — comme s'il avait voulu dire : Payer pour ma vie qui est un tissu de mensonges.
Mais il était ainsi. Il fallait qu'il jouât un nouveau rôle. Il ne s'y retrouvait plus dans le labyrinthe de son caractère qui le faisait juger tour à tour religieux et hérétique, bon et mauvais, hypocrite et sincère. Il pouvait aimer plusieurs femmes en même temps. Alors qu'il était prêt à abjurer sa foi, s'il trouvait une page arrachée d'un livre saint, il la ramassait toujours et la portait à ses lèvres. Chaque être était semblable à une serrure, — munie de sa propre clé. Seul quelqu'un comme lui, Yasha, savait ouvrir toutes les âmes.
A vrai dire, toute passion est aussi bien le comble de la folie que le comble de la sagesse.
En elle se lisait le dépaysement de ceux qui, après avoir arraché leurs racines, se sentent étrangers à eux-mêmes.
L'amour n'est fondé que sur l'hypnotisme.
Chaque être était semblable à une serrure, - munie de sa propre clé. Seul quelqu'un comme lui, Yasha, savait ouvrir toutes les âmes.