J'avais eu soin de cacher les salauds, les blasphémateurs (Céline, Sade, Genet et quelques voyous des lettres) dans une vieille malle, au fond de ma cave.
Je croyais que dans la politique on faisait son beurre !
Les gens ne s’offusquent plus de rien… Même s’il s’agissait de la reine des grues… Il ne faut pas hésiter à viser au plus haut. Au plus bas, en l’occurrence.
Le fait d’être un ancien coureur cycliste et d’avoir remporté une fois le Tour de France – davantage avec ma cervelle qu’avec mes muscles, ont écrit ou clamé les chroniqueurs sportifs – c’était l’année où Merckx était enrhumé, Hinault patraque, Zoetemelk parti Dieu sait où, Gimondi excusé pour le mariage de sa belle-sœur et Lemond rappelé sous les drapeaux – m’a été d’une grande utilité. Il faut se souvenir que le gars qui veut devenir une star de la politique doit avoir accompli au moins un truc fumant ayant frappé l’imagination des masses.
S’amuser, prendre du bon temps. Travailler, ça fait trop pecnot. « On est sur terre pour s’amuser, pour rigoler. » Voilà ce que certains leur ont fourré dans la tête.
Inutile d’aller écouter blablater des voyantes pour me faire une petite idée quant à mon avenir. D'ici à trois ou quatre ans – je ne serai même pas encore quadra, vous savez, ces gens qui veulent tout bouffer – on me verra placé à la tête d’un grand ministère ou parachuté au sommet d’un bidule européen ou d’un organisme officiel de ceci ou de cela, bancaire, caritatif ou tout ce que vous voudrez – ce genre de bourre-poches qui chez nous poussent comme des bananes pour secourir les gilets rayés au chômage – rêvez pas trop là-dessus, ça concerne pas les prolos – et on m’invitera sans doute un jour à un débat politique à la télé, vous voyez ? ces trucs où des politicards se prennent pour des vedettes de cinéma et qui ont tant de succès auprès des gosses, demandez donc à mon petit neveu. Sans excès d’optimisme, si je ne m’emmêle pas trop les pattes en maniant mon petit gouvernail d’arriviste, je pourrai – là, vers quarante-cinq ans, n’ayons pas les dents trop longues – décrocher la timbale et faire un Premier ministre ou un président de l’Assemblée nationale tout à fait acceptable.
Nul n’avait été spectateur de nos ébats. Ici, pas de rôdeurs, pas de voyeurs. La saine campagne française, pas le Bois de Boulogne. Juste d’innocents oiseaux, témoins discrets et je-m’en-fichistes de maintes étreintes de bouseux et desquels nous n’avions strictement rien à craindre.