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Critique de BazaR


BazaR
21 septembre 2020
Parfois le hasard fait bien les choses. Les copines et moi on a organisé cette LC au débotté parce que deux d'entre elles voulaient le lire. Finalement on s'est tous régalés avec ce roman biographique exotique à la fois divertissant et instructif, et nos échanges ont été riches et fructueux. Grand merci à elles.

Au travers du récit de la vie d'Ibn Sina – nom occidentalisé en Avicenne – c'est toute une époque peu connue par chez nous du Moyen Orient médiéval que l'on découvre : les régions de Perse, du Turkménistan ou d'Afghanistan aux alentours de l'an mille (calendrier de chez nous aussi). La première croisade est encore loin dans le futur et la civilisation de l'Islam se développe aussi bien dans son identité religieuse que dans la succession de la culture antique. En usant du chausse pied, je ferais bien un parallèle avec l'Europe du 16ème siècle : une civilisation qui développe sa connaissance du monde par les sciences et la philosophie (toujours un peu mélangées sauf à notre époque), bâtit des merveilles et, en parallèle s'investit dans la foi. Les rois sont des mécènes mais ce sont aussi des rivaux et les guerres locales sont légion, bien qu'interdites par l'Islam si elles ne sont pas « saintes ». Les courant religieux « irréconciliables » jouent leur rôle ici. Si Avicenne nous montre une région essentiellement chiite, la menace turque sunnite impérialiste et intolérante, dont la cruauté est aussi légendaire que celle d'Attila, le grignote peu à peu. On peut retrouver une atmosphère similaire dans la première partie de Samarcande de Amin Maalouf (au travers du poète mathématicien Omar Khayyâm).

A travers le récit – probablement un peu hagiographique – de son disciple et biographe Abou-Obeïd el-Jozjani (aimablement « traduit » par Gilbert Sinoué), Avicenne apparaît comme un géant de la connaissance, une machine de travail, un touche-à-tout du cérébral autant à l'aise en médecine qu'en mathématique, en philosophie ou en grammaire arabe. Tous ses pairs s'inclinent devant lui. Mais c'est clairement dans le domaine de la médecine que ses connaissances et son expérience impressionnent. Nombreuses sont les scènes où il les met en pratique avec l'esprit affuté d'un détective qui en aurait remontré à Sherlock Homes pour trouver le bon diagnostic. J'ai à chaque fois été soufflé par le niveau atteint par cette discipline à l'époque, et par les innovations apportées par Avicenne.
Hagiographique ai-je dit ? Pas vraiment non plus. Abou-Obeïd ne cache pas les « défauts » de cet homme parfois fier jusqu'à la présomption, abusant du vin, abusant des femmes même si seules quelques-unes ont su trouver le chemin de son coeur (le personnage de Yasmina, sa dernière épouse, est d'une incroyable richesse). Tombant parfois dans de profondes déprimes.
Et pourquoi ne déprimerait-il pas parfois ? Je n'imaginais pas que sa vie ait été autant en dent de scie très pointues, avec des hauts très élevés et des bas très profonds se succédant à une vitesse fulgurante. Avicenne se considère comme un éternel exilé et, le temps passant, a de plus en plus de mal à l'accepter.

Après Léon l'Africain, c'est mon second coup de coeur historique oriental de l'année, un peu pour les mêmes raisons. Et c'est mon premier Gilbert Sinoué. Gageons que ce ne sera pas le dernier.
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