Je n'ai pas bénéficié du privilège d'une éducation précoce. C'est à quarante-sept ans que j'ai appris à lire et à écrire. Je n'ai jamais visité de contrées plus civilisées que la mienne. Aussi ne suis-je pas à même d'accomplir ce dont vous êtes capables et d'atteindre le niveau auquel vous êtes parvenus. La difficulté est de commencer. J'avais pour remuer le sol de l'Égypte un pieu. J'ai maintenant pour le cultiver une pioche. Mais je m'emploie à acquérir tous les avantages d'un charrue.
Méhémet-Ali incarne réellement le miracle de l'Égypte : de quelque horizon qu'on aborde la région, il suffit d'ailleurs de vouloir la comprendre et de l'aimer pour en être accepté et devenir l'un de ses fils. De tous temps, l'Égyptien qui n'était pas xénophobe a su accueillir l'étranger, lorsque ce dernier ne voulait pas l'asservir, et lui ouvrir son cœur. Méhémet-Ali fut, depuis la Haute Antiquité, un de ceux-là et nombre de Français s'inscrivirent dans son sillage, dont le plus illustre fut le colonel Sève, devenu Soliman pacha.
Les gens du pays ont perdu l'habitude de payer, et notre homme part au milieu de ces circonstances, brûle la paillasse comme un sous-lieutenant remplissant les cafés d'une garnison du bruit de ses dettes et de ses fredaines !
Rien n'est plus dangereux qu'un héros qui tourne en rond.
Les Indes sont le fondement de la puissance anglaise. Les Indes capturées mettraient l'Angleterre à genoux. Voilà l'unique enjeu. Talleyrand sait que politiquement l'alliance ottomane ne rapporte plus rien et que la guerre maritime a ruiné le commerce des Échelles. L'occupation de l'Égypte s'impose comme le seul moyen d'attaquer l'Angleterre dans les Indes.
Chaque fois qu'ils ont besoin d'argent, les beys frappent à la porte des négociants et demandent quinze à vingt mille piastres à titre de prêt. Dois-je vous préciser que, de toutes les sommes prêtées à ce jour, aucune n'a été remboursée ?