Citations sur L'homme qui partit en fumée (19)
La brochure, éditée par le Syndicat de la presse allemande, traitait du trust Springer, l'un des plus puissants éditeurs de journaux et de revues de l'Allemagne occidentale, et de son patron, Axel Springer, ancien journaliste de Goebbels.
Le pire était que, au fond de lui-même, il savait qu'il n'y avait eu aucune impulsion : simplement, son âme de policier - si l'on pouvait l'appeler comme cela - s'était mise à fonctionner. C'était le même instinct qui conduisait Kollberg à sacrifier ses heures de loisirs, une sorte de maladie professionnelle qui l'obligeait à se charger de toutes les missions et à faire de son mieux pour résoudre les mystères.
Il [Szluka] alla se planter devant la carte et, tournant le dos à Beck, étudia le quartier nord de la ville. - Être policier ce n’est pas un métier dit-il. Et sûrement pas une vocation non plus. C’est une malédiction. Un peu plus tard, il se retourna. - Naturellement je n’en crois pas un mot, c’est seulement une idée qui me passe de temps en temps par la tête. Êtes-vous marié? - Oui - Alors vous me comprenez.
Martin Beck qui avait l’impression de ne rien faire et de négliger ses devoirs, se hâta de faire sa toilette. Une fois habillé, il fourra son plan dans sa poche et gagna quatre à quatre le vestibule. Alors il s’immobilisa. Se dépêcher ne servait strictement à rien quand on ne savait que faire. Il médita un moment la dessus, puis passa à la salle à manger, et s’assit devant l’une des fenêtres béantes.
Il était 12h 50 quand Martin Beck ouvrit la porte du bureau de son supérieur […] Le commissaire Hammar était un homme solidement bâti, au cou de taureau et à la crinière grise. Il était assis, parfaitement immobile, dans son fauteuil pivotant, un bras sur la table, absorbé par ce qui était, aux dires des mauvaises langues, son occupation préférée: ne rien faire.
Szluka descendit dans le bassin et avança en pataugeant. Il tenait toujours son porte-documents et Martin Beck se demanda si, ayant tellement l'habitude de l'avoir à la main, il n'avait pas oublié de le laisser au vestiaire. Mais, s'abstenant de tout commentaire, il suivit son collègue.
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Il se retourna et vit deux dames indiscutablement suédoises installées près de la fenêtre.
- Oui, disait l'une d'elles, j'en emmène toujours avec moi, de même que du papier hygiénique. Il est toujours de très mauvaise qualité à l'étranger...Bien heureux encore quand il y en a !
- Oui, renchérit l'autre. Je me rappelle une fois en Espagne...
Il contempla d'un air sombre un vêtement qui ressemblait à un cardigan et alla voir la réceptionniste. C'était une fille mignonne comme tout dans le style banal - pas très grande, bien bâtie, des doigts effilés, de jolis mollets, des chevilles fines, les jambes agrémentées d'un léger duvet, des cuisses longues que moulait la jupe. Pas d'alliance. Il la regarda en pensant à autre chose.
- Comment ça s'appelle, ce truc-là ?
- C'est un blazer en jersey.
Beck, les pensées ailleurs, ne bougeait pas. La fille rougit. Elle alla se réfugier à l'autre bout du comptoir, ajusta sa jupe, tira sur son soutien-gorge et sur sa gaine. Martin Beck ne comprenait vraiment pas pourquoi. Il alla se rasseoir devant sa machine à écrire.
C'était un journaliste moderne, était-il dit quelque part dans le rapport de la 3ème division : rapide, efficace et direct. Le genre de type qui commence par faire ce qu'il a à faire et se délasse ensuite.
Désagréable. Fort désagréable. Singulièrement désagréable. Bigrement désagréable. Sacrément désagréable. Presque douloureusement désagréable.
Martin Beck s'allongea et le lit grinça.
... ce qu'il savait était si infime que vouloir le coucher par écrit était d'un ridicule achevé. En fait, songea-t-il, tout ce qu'il savait eût tenu à l'aise dans la cervelle d'une crevette.