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Citations sur M Train (61)

p 91 J'ai refermé mon carnet et suis restée assise dans le café en réfléchissant au temps réel. S'agit-il d'un temps ininterrompu ? Juste le présent ? Nos pensées ne sont-elles rien d'autre que des trains qui passent, sans arrêts, sans épaisseur, fonçant à grande vitesse devant des affiches dont les images se répètent ? On saisit un fragment depuis son siège près de la vitre, puis un autre fragment du cadre suivant strictement identique. Si j'écris au présent, mais que je digresse, est-ce encore du temps réel ? Le temps réel, me disais-je, ne peut être divisé en sections, comme les chiffres sur une horloge. Si j'écris à propos du passé tout en demeurant simultanément dans le présent, suis-je encore dans le temps réel ? Peut-être n'y a-t-il ni passé ni futur, mais seulement un perpétuel présent qui contient cette trinité du souvenir. J'ai regardé dans la rue et remarqué le changement de lumière. Le soleil était peut-être passé derrière un nuage. Peut-être le temps s'était-il enfui ?
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p 189 Sur la tombe de Osamu Dazai
Le lendemain matin, le ciel était couvert, les ombres oppressantes. J'ai passé le balai autour de la tombe de Dazai et lavé sa pierre tombale, comme s'il s'agissait de son corps. Après avoir rincé les vases, j'ai remis un bouquet frais dans chacun. Une orchidée rouge pour symboliser le sang de sa tuberculose et des petites branches de forsythia blanc. Les fruits contenaient de nombreuses graines ailées. Le forsythia dégageait une légère odeur d'amande. Les minuscules fleurs qui produisent le lactose représentaient le lait blanc qui lui avait procuré du plaisir au cours de la phtisie qui l'avait miné. J'ai ajouté des bouts de gypsophile -- une panicule en nuage de minuscule fleurs blanches -- pour rafraîchir ses poumons infectés. Les fleurs formaient un petit pont, comme des mains se touchant. J'ai ramassé quelques cailloux que j'ai glissés dans ma poche. Puis j'ai mis l'encens dans le porte-encens circulaire, que j'ai posé à plat. L'odeur douceâtre a enveloppé son nom. Nous étions sur le point de partir quand le soleil a soudain fait irruption, éclairant tout. La gypsophile avait sans doute fait son effet, et, les poumons fortifiés, Dazai avait peut-être soufflé les nuages qui obstruait le soleil.
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Mon chez-moi est un bureau. L'amalgame d'un rêve. Mon chez-moi ce sont les chats, mes livres, et mon travail jamais fait. Toutes les choses disparues qui, un jour peut-être, m'appelleront. Peut-être ne pouvons-nous pas tirer de chair de la rêverie, pas plus que nous ne pouvons aller y chercher un éperon poussiéreux, mais nous pouvons assembler le rêve lui-même et le ramener dans son entier.
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J'écris avec ferveur, telle une élève à son pupitre, penchée sur son cahier de rédaction, composant non pas pour produire ce qu'on lui demande, mais pour assouvir un désir.
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« Nos pensées ne sont-elles rien d’autre que des trains qui passent, sans arrêt, sans épaisseur, fonçant à grande vitesse devant des affiches dont les images se répètent. » (p. 66)
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Quelques mois avant notre premier anniversaire de mariage, Fred m'a annoncé que, si je lui promettais de lui donner un enfant, alors il commencerait par m'amener n'importe où dans le monde. Sans hésitation, j'ai choisi Saint-Laurent-du-Maroni, une ville frontière dans le nord-ouest de la Guyane française, sur la côte atlantique nord de l'Amérique du Sud. Cela faisait longtemps que j'avais envie de voir les vestiges de la colonie pénitentiaire où les pires criminels étaient envoyés par bateau, avant d'être transférés sur l'île du Diable. Dans son Journal du voleur, Genet décrivait Saint-Laurent comme une terre sacrée et parlait des détenus avec une compassion empreinte de dévotion. Dans son journal, il évoquait une implacable hiérarchie de la criminalité, une sainteté virile dont le sommet se trouvait sur les terribles terres de la Guyane française. Il avait gravi les échelons pour se rapprocher d'eux : maison de redressement, chapardeur, par trois fois sanctionné ; mais tandis que sa condamnation était prononcée, le bagne qu'il tenait en si haute estime fermait, jugé inhumain, et les derniers prisonniers vivants furent rapatriés en France. Genet fut incarcéré à la prison de Fresnes, se lamentant avec amertume de ne pas pouvoir atteindre la grandeur à laquelle il aspirait. Anéanti, il écrivit : on me châtre, on m'opère de l'infamie.
Genet fut emprisonné trop tard pour intégrer la communauté qu'il avait immortalisée dans son oeuvre. Il resta à l'extérieur des murs de la prison, tel le boîteux de Hamelin à qui fut refusée l'entrée au paradis parce qu'il était arrivé trop tard devant ses portes.
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Mon idée était de rapporter la force de la montagne dans ma petite maison. J'ai éprouvé une affection instantanée pour cette pierre et j'ai gardé ma main dans ma poche pour la toucher, un missel de pierre. Ce n'est que plus tard, à l'aéroport, quand un agent des douanes me l'a confisquée, que je me suis rendu compte que je n'avais pas demandé à la montagne si oui ou non je pouvais l'emporter. Orgueil démesuré, ai-je déploré, pur orgueil. L'inspecteur m'a expliqué avec fermeté que la pierre pouvait être considérée comme une arme. Elle est sacrée, lui ai-je dit, et je l'ai supplié de ne pas la jeter, mais c'est pourtant ce qu'il a fait sans sourciller. Cela m'a profondément chagrinée. J'avais extrait de son habitat un objet magnifique, ouvragé par la nature, tout ça pour qu'il finisse dans le sac à gravats des services de sécurité.
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Ce n’est pas si facile d’écrire sur rien.
C’est ce que disait le cow-boy au moment où j’entrais dans le rêve. Vaguement bel homme, intensément laconique, il se balançait dans un fauteuil pliant, le dos calé contre le dossier, son Stetson effleurant l’angle extérieur brun foncé d’un café isolé.

Incipit
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Je me suis assise sur mon porche de guingois et j'ai contemplé avec une joie de gamine mon jardin piqueté de pissenlits résistants. Le vent s'est levé et j'ai senti les effluves de la mer. J'ai verrouillé ma porte et refermé le portail tandis qu'un chat errant se glissait par une latte flottante.
Désolée, pas de lait aujourd'hui, uniquement de la joie. Je suis restée devant la palissade délabrée. Mon Alamo, ai-je dit. Ma maison avait désormais un nom.
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Je suis certaine que je pourrais écrire indéfiniment sur rien. Si seulement je n’avais rien à dire.
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