Citations sur Les Portes du secret, tome 2 : Le souffle d'émeraude (17)
J’avais envie de me dissoudre, de devenir une flaque et d’être absorbée par la pierre. Une pierre, cela doit avoir la vie facile. Pas de promesses, pas de soucis, pas de sentiments.
Un murmure admirateur parcourut les rangs des hommes. Grâce à cette petite démonstration de force, Cahil était monté dans leur estime. Quant à moi, je commençais à m’ennuyer. Ce n’était pas la première fois que l’on me menaçait, et je savais d’expérience que les plus dangereux sont ceux qui ne préviennent pas.
Le passé ne peut pas être changé, mais il peut servir de guide pour l’avenir.
D'un mouvement fluide, Valek sauta à terre. L'étoffe noire de ses vêtements épousait ses formes. Il tendit les bras à l'horizontale et tenta de prendre l'air innocent.
- Tu vois, je ne suis même pas armé.
- Menteur ! Veux-tu que je devine combien d'armes tu portes sur toi, ou bien dois-je te fouiller au corps ?
- La seconde solution est le seul moyen d'en avoir le coeur net, dit Valek avec délectation.
- Il faut être culotté, dit Cahil, pour croire que l'on peut réussir là où un maître magicien a échoué.
Et il partit à grands pas dignes.
- Il faut être stupide pour renoncer avant d'avoir tout essayé, lançai-je à son dos tourné.
- Juste ciel, dit-elle. Vous êtes l'enfant perdue des Zaltana ?
Lasse, je lui fis un petit sourire.
- Je ne suis plus perdue, maintenant. Et je ne suis plus une enfant.
- La vie est très risquée, rétorquais-je. Chaque décision, chaque rencontre, chaque geste, chaque fois que tu sors du lit, le matin, tu prends un risque. Survivre, c'est accepter ce risque, accepter de sortir du lit et d'affronter les dangers.
- Ta vision du monde n'est pas très rassurante.
- Justement, elle n'est pas censée l'être.
- Des chevaux qui parlent. De la magie partout. Ils sont fous, ces gens du Sud.
- Elle croyait que je serais utile. Elle ne se doutait pas que j'essaierai de...
- De me tuer ? Bienvenue au club. Vous êtes au moins six membres. Valek en est le président, puisqu'il a voulu me tuer deux fois.
Je sentais encore les gens du marché, à cinq ou six milles derrière. Émerveillée, je sondai la forêt devant nous, cherchant un hameau ou un village lointain. Au début, je ne trouvai que des animaux, mais, au moment où j’allais me retirer, mon esprit toucha celui d’un homme.
Je parcourus la surface de son esprit, attentive à ne pas violer le Code éthique. Un chasseur. De nombreux hommes l’entouraient. Ils se tapissaient dans les broussailles de part et d’autre du sentier. L’un d’entre eux, à cheval, avait dégainé son arme et se tenait prêt à frapper. Quel genre de gibier pouvaient-ils bien guetter? Par curiosité, je sondai un peu plus profondément sa conscience. L’image de sa proie m’apparut très clairement, et me fit regagner mon propre corps à toute vitesse.
Je m’arrêtai net.
J’avais dû émettre un bruit de surprise, car Leif se retourna, exaspéré.
– Qu’est-ce qui te prend ?
– Des hommes. Dans la forêt.
– Évidemment. Les bois sont pleins de chasseurs, dit-il comme s’il s’adressait à une demeurée.
– Pas des chasseurs. Une embuscade. C’est nous qu’ils attendent.
– Une embuscade? dit Leif, l’air éberlué. C'est complètement ridicule. Tu n’es plus en Ixia, Elena.
– Pourquoi des chasseurs attendraient-ils le long d’un chemin?
– Le gibier emprunte aussi les sentiers forestiers, dit Leif en s’éloignant. C'est plus facile que de se frayer un passage à travers les broussailles. Suis-moi, maintenant.
– Non. Tu fonces tout droit dans un piège.
– Moi, j’y vais. Tu n’as qu’à rester ici, si ça te chante.
Et il me tourna le dos une nouvelle fois.