Citations sur La diagonale de la joie (92)
Lui, ai-je pensé, a trouvé sa place, son topos, dirait Aristote. Le seul lieu où chacun a la possibilité de recevoir la plénitude de son être. Comment vais-je trouver le mien ? Comment accepter ce tiraillement entre science et tradition ? Entre ce que je suis et ce que je deviens ?
Grâce à elle, j’ai découvert le sens du sacré. Cette racine de la spiritualité est bien là, en chacun de nous. Et ces années de recherche, enfin, se réveillent, m’éveillent, éveillent. Diagonale de la joie.
Tu leur as fait très peur. Ils ont vu le diable à l’œuvre à travers tes cris. Surtout quand tu as commencé à souffler. Tes joues se sont gonflées, tu as fait un son de vent et le vent s'est levé. Alors qu'il n'y avait pas un souffle jusque là. Et quand il a éteint la plupart des bougies, ils sont partis en courant.
Tout ce que je voulais c'est te retrouver. Toi qui avais sauté dans une autre dimension. Sans moi. On m'a dit : Tu as eu le courage. Mais je n'ai pas eu le choix, l'amour est une drogue dure.
Si seulement j'avais le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé.
2. « Alors cette vieille branche [Edgar Morin] s'intéresse au chamanisme ? Oui, et il est même prêt à tester la "sound loop" pour vivre une transe. C'est parce qu'il ne t'a jamais vue en transe, moi je me suis vraiment demandé comment j'avais pu pondre un zozo pareil. Merci maman. En tout cas il se demande si ces états modifiés de conscience ne seraient pas le chaînon manquant de toute approche philosophique. Notamment sur la question de l'ontologie dans son sens le plus large : Qu'est-ce que l'être ? Qu'est-ce qu'il est ? Il m'a dit qu'après Platon et Aristote, cette question n'avait cessé de faire plancher les philosophes. Si Heidegger, dans sa définition de l'Être comme source spirituelle de toute chose, trouve cette question fondamentale dans l'ordre de la connaissance, Levinas oppose que l'ontologie édicte une relation avec l'être qui "réduit l'autre au même". […] Certes, mais tu vois j'avais raison, Corine. C'est-à-dire ? Levinas aurait dû te voir en transe ! Cette fois je ris avec elle. C'est à peu près ce qu'Edgar Morin m'a dit ! Ah bon ? Oui, et nous nous sommes amusés à imaginer tous ces philosophes en transe. » (pp. 235-236)
5. « Des études anthropologiques ont en effet montré que sur quatre cent quatre-vingt-huit sociétés étudiées dans le monde, plus de 90% avaient une forme institutionnalisée de pratique de la transe. Cet état est généralement induit dans le cadre d'un rituel par différentes techniques comme les percussions, la danse, les plantes psychoactives, les mouvements de rotation, mais jamais encore par la seule volonté et en dehors de tout rituel.
[…] Car si notre société a travaillé à faire de nous des êtres plus savants, les sociétés traditionnelles se sont de tout temps attachées à faire de nous des êtres plus conscients. Le moment de crise que nous vivons et le mouvement global d'intérêt pour ces techniques ancestrales montrent qu'il est temps de nous rassembler. Le savant et le conscient, l'intellectuel et le perceptuel, enfin réunis, doivent se mettre au service de notre futur. » (pp. 325-326)
Soudain possédée par le loup, le maître de mes ongod, je me mets à hurler et à cravacher ma monture. Les trente-sept grelots tintent de tout leur volume. Le buult, la descente des ongod dans le corps du chaman, devient violent. Vite, une libation ! crie Enkhetuya. Doudgi lance une cuillerée de lait sur mon costume. Les ongod s’apaisent. Ma voix s’élève… Doudgi sait que l’esprit s'exprime par ma bouche. Il se concentre. Seul le tushee, l’assistant, peut comprendre ce langage et il doit absolument le traduire, parce que après la transe je ne me souviendrai pas précisément des paroles prononcées.
Le savant et le conscient, l’intellectuel et le perceptuel, enfin réunis, doivent se mettre au service de notre futur. D’un futur où Respect, Amplification cognitive, Autonomie et Joie seront le ciment d’une société enfin réconciliée avec son humanité. Libre et heureuse d’oser collaborer avec le vivant. N’est-ce pas la véritable démarche écologique à laquelle nous devrons désormais nous employer ?
Mais je t’ai parlé du buzar, du manque de respect qui se propage comme un virus. Il est bien là, tu vois. Il va déclencher d’autres catastrophes. C’était plutôt ça les prières, non ? Une tentative désespérée de transformer ce que toi, les arbres, la terre nous annoncez déjà de toutes vos forces : un monde où le manque de respect va nous éclater à la figure.