![]() |
« Les trois premières étoiles sont dans le ciel. La cérémonie commence. Badmaa enflamme les branches de genévrier. Elle porte un tee-shirt à bandes vertes sur lequel un poulet danse en disant « Do the chicken twist ! » » « Naara me dit que c'est à cause de la période communiste. Jusqu'en 1990, le chamanisme était interdit et les chamanes pourchassés voire assassinés. Ils sont donc devenus méfiants… » J'ai découvert ce livre grâce à une avant-première du film: « Un monde plus grand » en présence de la réalisatrice (https://www.fiff.be/sites/default/files/presse/unmondeplusgrand_dp.pdf ). C'est la suite de l'initiation au chamanisme d'une musicologue qu'elle relate dans « Journal d'une apprentie chamane ». Cette fois, elle va nous amener dans un monde de lacs, de mélèzes et de ciel aux mots de dragons, le pays des Tsaatans près du lac Khövsgöl à la frontière entre la Mongolie et la Sibérie. « Naraa m'explique que, dans la tradition mongole, l'âme entre dans le foetus par l'annulaire. Étant donné qu'il faut toujours nourrir son âme avant de nourrir son vente on doit tremper son annulaire dans la boisson avant d'y tremper sa bouche. Avec ce même annulaire on doit faire une offrande au ciel, une au vent et une à la terre. » « Et puis on ne dit pas « yourte ». Yourte c'est le nom russe. En mongol, on dit ger ( prononcer « guer ») » « De loin, le tipi ressemble à la jupe d'un derviche tourneur à chevelure de fumée. » Il faut savoir que l'interprète dans le film est la même qu'a eu Corine: « Naraa » . À l'inverse, le seul acteur mongol du film est la chamane qui n'est par conséquent pas la vraie Enkhetuya. Globalement, le livre est beaucoup moins lice que le film. On peut le dire, il a un coté culturellement incorrect (l'auteur nous montrera les travers de la civilisation mongole moderne, on le voit bien avec Sainaa par exemple ou même avec ces mégots jetés dans l'herbe et pas le feu sacré) tout en parlant de chaleur humaine et en présentant bien plus d'infos ethnographiques que le film évidemment. Ainsi vous saurez qu'après le rap mongol (présent dans le film), les mongoliens n'hésitent pas à passer les Spice Girls ! le film ne parle pas aussi du froid pourtant bien présent dans le livre ou de l'anthropologue Laetitia Merli. Comme le précédent livre, ce livre parle avant tout d'échanges et de ressentir l'invisible, le tout avec des touches d'humour (ah ces groupies braillantes). Comme Laetitia, on en vient à se demander si le chamanisme ne pourrait pas aussi avoir sa place en milieu urbain et cela pousse à vouloir lire la suite « Les tribulations d'une chamane à Paris » (garder l'acquis collectif). « C ‘est finalement comme en Amazonie. Où Francisco disait que sept plantes et sept esprits étaient autour de moi et qu'au lieu de sauter dans tous les sens je ferais mieux d'utiliser cette énergie à les percevoir. Il faut croire que je n'ai pas évolué depuis là-bas. » « Savoir c'est prendre le risque d'aller voir. C'est interdire le doute à la raison. » On sent que l'auteure observe bien comme la terre s'imbibe de l'eau. le passage sur l'importance de la « mise en acte » pour l'aspect psychologique des rituels prouve comme elle ne se déconnecte pas totalement de son mental. On se demande si elle va arriver à concentrer cette énergie qui la fait voler et, en effet, l'auteure va découvrir son totem loup, cette louve chasseuse, chercheuse qui se nourrit de ce qu'elle découvre. C'est l'incomplétude de Corine qui la fait grandir vers l'invisible. Au final, on peut dire qu'il y là une forme de grâce et que la résine de la grâce s'appelle la confiance, la foi. « Ils décrivaient le foyer de percussions comme étant la porte de l'autre monde, la porte du monde des sensations. » « Que tout est en tout. Et qu'il suffit de découvrir son tout pour se connecter à tous les autres. » « Elle se demande en effet si quelqu'un comme moi, qui n'ai aucune culture ou éducation mongole, peut, lors des transes, avoir les mêmes comportements qu'un chaman mongol. Autrement dit, si le chamanisme est l'expression d'un phénomène cognitif propre à l'espèce humaine, auquel le chamane quels que soient son cadre de références culturel, son éducation, ses croyances, aurait accès pendant les transes, ou un phénomène culturel, propre à une tradition… » « Est-ce qu'on peut développer cette « perceptivité » comme on développe sa mémoire ? » + Lire la suite |