Roslend, tome 2 : Trisanglad

La conférence téléphonique avec Joseph Staline avait été longue, agaçante et épuisante. Le " petit père du peuple ", comme Staline s'était surnommé lui-même, harcelait Churchill à chaque avancée de l'armée allemande. Il voulait que les Britanniques attaquent les Allemands à l'ouest pour les empêcher de continuer leur percée vers Stalingrad. Mais Churchill refusait avec obstination. Il ne pouvait pas se le permettre. Afin de lui expliquer ses raisons et lui affirmer néanmoins son soutien, le Premier Ministre était allé en personne à Moscou pour le rencontrer il y avait tout juste trois jours. Il pensait avoir été clair, mais voilà qu'à peine rentré, Staline l'assaillait à nouveau. Churchill n'aimait guère le chef de l'URSS. Pas davantage sur le plan humain que politique. La réciproque était vraie et si Hitler n'avait pas été leur adversaire commun, les deux hommes n'auraient jamais cherché à coopérer. Mais en temps de guerre, les ennemis de vos ennemis deviennent vos amis.

Arrivé devant la porte du bureau de l’Immuable, il frappa trois coups rapides suivis de deux plus lents.

– Entre, Altrïos !

L’Immuable se leva pour venir saluer son maître espion et ami. Altrïos voulut s’incliner, mais Xélion le gratifia d’une accolade.

– S’il te plaît, il n’y a personne. On peut se dispenser de tout le tralala !

Altrïos accepta avec un demi- sourire cette entorse au protocole, mais ne put s’empêcher une politesse :

– J’espère que l’Immuable se porte bien.

– Il va très bien, répondit Xélion avec une pointe d’exaspération. Crois- moi, il n’a même pas pris une ride depuis ton départ !

Altrïos se retint de lever les yeux au ciel. Évidemment, l’Immuable, par nature, résistait aux assauts du temps. Depuis ses vingt- cinq ans, Xélion ne vieillissait plus. Il en serait ainsi pendant longtemps, car il n’était pas rare que les Immuables vivent jusqu’à deux cents ans.

Août 1942.

De Paris à Tokyo, de Berlin à Moscou, la Seconde Guerre mondiale fait rage. Notre monde est à feu et à sang. Notre monde... mais aussi son double, l'Alter Monde, dont le destin est lié au nôtre.

Pour Catriona et les autres femmes, la journée avait été longue. Très longue. Si longue que la jeune Britannique avait cru mourir mille fois.

" Jamais je ne reverrai la lumière du jour ! " se répétait-elle, les yeux rougis par les émanations irritantes et les muscles douloureux d'avoir frappé sans relâche. La panique manquait de la submerger lorsqu'elle regardait autour d'elle. Il y en avait des dizaines ! Peut-être même des centaines ! Et toutes les heures, il en arrivait de nouvelles ! C'était un combat perdu d'avance... Elle était condamnée à continuer jusqu'à ce que mort s'ensuive.