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Citations sur La voie de Bro (7)

Le chemin qui nous ramenait à la Glace devint un bonheur pour moi, une joie pour Fer et une épreuve pour Nikola. Fer et moi, nous marchions jour et nuit dans la taïga sans ressentir la moindre fatigue, comme si nous étions poussés dans le dos. Nikola ressentait à peu près la même chose que moi avec l'expédition de Koulik. Il cessa de discuter, tomba dans une sorte de rage, puis il pleura. Nous le soutenions par les bras. Il ne pouvait pas manger non plus. Fer et moi nous nourrissions de baies, la faim ne nous tourmentait absolument pas. Après que mon coeur s'était mis à parler, j'avais à jamais oublié la sensation de faim.
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En outre, ils mangeaient toujours plus que nécessaire, enlaidissant leur corps et leurs volonté par cet excès. Mais le plus monstrueux était que les hommes aimaient dévorer des êtres vivants, leur retirant la vie à seule fin de se remplir le ventre de leur chair. Cette viande y était digérée, puis rejetée de leur corps en des excréments infects. La volonté de l'homme transformait un oiseau vivant en un tas de déjections, et c'était parfaitement normal pour un homo sapiens. Partageant cette planète avec les autres êtres vivants, les hommes les dévoraient. Cette monstruosité suprême s'appelait la loi de la vie.
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Soudain, alors que je descendais dans un vallon, je perçus devant moi un grognement, des râles, un bizarre pleurnichement. Je continuai de marcher sans me retourner. Le grondement augmenta, j’entendis des gémissements. Devant moi s’étalaient des buissons. Et je vis deux ours qui déchiquetaient une femelle élan portante. L’un lui serrait la gorge entre ses mâchoires, l’autre déchiquetait son gros ventre. De la gueule de l’élan s’arrachaient des geignements rauques, ses belles et longues pattes battaient l’air, impuissantes. Les os de l’élan craquaient sous les pattes furieuses et les crocs des ours. Le contenu du ventre noir tacheté de blanc se répandit, et, avec les intestins roses et jaunes, s’échappa un petit élan qui n’avait pas eu le temps de naître. Noiraud, avec son pelage mouillé, ses grands yeux humides, il avait eu à peine le temps de bâiller de sa bouche tendre, rose et blanche, que les dents d’un ours se refermèrent sur sa tête en craquant. Le sang écarlate du nouveau-né jaillit comme une fontaine de la gueule de l’ours. Un peu plus loin, j’entendis un grognement : un ourson déjà grand se précipitait pour participer à la curée de ses parents. Une fois sur place, telle une boule de poils marron, il pénétra dans les entrailles de la femelle élan en gargouillant d’impatience.
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La hache dans les mains de Martynov scintillait au soleil. Et cet éclat de lumière me réveilla soudain. Mon cœur tressaillit, mon cerveau se remit à fonctionner. Et je finis par comprendre de tout mon être POUR QUELLE RAISON des hommes étaient venus jusqu’ici ! Ils étaient venus pour trouver cette chose immense et familière. Et me la retirer à jamais ! Je frissonnai d’effroi, la boule de mousse et le marteau m’échappèrent des mains. Pour quelle raison avaient-ils mis autant de temps à venir jusqu’ici ? Pour quelle raison cette baraque avait-elle été construite ? Pour trouver ce qui était ma joie ! Pour me priver à JAMAIS de ma rencontre avec elle !
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Je m’éveillai, reposé, mais toujours aussi inquiet. En regardant le soleil qui s’était levé, je compris soudain que je ne m’étais pas retrouvé dans cet endroit par hasard. Quelque chose me reliait puissamment à ce paysage sans vie. Et quelque chose m’attendait désormais.
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De retour à la maison, je mangeais le maigre repas que m’avait laissé ma tante et je me plongeais dans la lecture des livres que j’avais empruntés à la bibliothèque universitaire. Il s’agissait principalement de livres d’astronomie et sur l’histoire de l’Univers. Les planètes et le caractère infini du monde des étoiles qui entourait la Terre me troublaient. Je prenais parfois des livres de minéralogie, mais je ne les lisais pas, me contentant d’examiner à loisir les illustrations en couleurs. Je restais fasciné des heures durant, étendu sur mon tapis. D’une manière générale, je n’utilisais aucun manuel de mathématiques et de physique, me contentant des cours. La littérature ne m’attirait pas non plus : le monde des hommes, leurs passions et leurs aspirations, tout cela me semblait dérisoire, vain et éphémère. On ne pouvait s’appuyer là-dessus comme sur une pierre. Le monde de Natacha Rostov et d’Andreï Bolkonski ne se distinguait aucunement, en réalité, du monde de mes voisins qui se disputaient tous les soirs à la cuisine à cause des réchauds à pétrole ou du seau à ordures. Le monde des planètes et des pierres était plus riche et plus intéressant. Il était éternel. Un jour, j’arrachai d’un atlas astronomique une page où était imprimée une représentation de Saturne que j’agrafai au mur. Quand ma tante s’installait pour coudre, Saturne se trouvait au niveau de sa tête. Mais pouvait-on comparer Saturne avec la tête de tante Flora qui marmonnait au sujet des bolcheviques, du mouvement des réformateurs de l’Église, du prix du drap et du crêpe de Chine ?
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Je suis né en 1908 au sud du gouvernement de Kharkov dans un des domaines de mon père, Dmitri Ivanovitch Sneguiriov. Il était alors le premier industriel sucrier de Russie et disposait de deux propriétés : l’une près de Saint-Pétersbourg, à Vaskélovo, l’autre en Ukraine, à Bassantsy, où je devais passer mon enfance. En dehors de ces terres, notre famille possédait une maison en bois au centre de Moscou, petite mais confortable, rue Ostojenka, et un immense appartement à Saint-Pétersbourg dans l’aristocratique rue Millionaïa.
Mon père avait bâti lui-même le domaine de Bassantsy, « à l’ère troglodytique de l’industrie sucrière », époque où il avait acquis plus de deux mille hectares de bonne terre ukrainienne plantée de betterave à sucre. Il avait été le premier entrepreneur russe à décider de contrôler ses propres plantations de betteraves afin de ne plus les acheter aux paysans, comme au bon vieux temps. C’est à ce moment que mon grand-père et lui construisirent une raffinerie de sucre. Ils n’avaient pas vraiment besoin d’un domaine, dans la mesure où la famille vivait déjà dans la capitale. Mais mon grand-père pusillanime avait insisté :
« À notre époque pleine de malices, un patron doit vivre au plus près des betteraves et de son usine. »
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