Parce que les hommes sont des hommes, il est bon qu'ils se mettent en colère de temps en temps. Il est bon qu'ils résistent. Ils sont faits pour se mettre en colère, pour résister. Si vous vous modelez vous-mêmes en un être qui ne se mettra jamais en colère, qui ne s'opposera à rien ni à personne, c'est comme si vous preniez plaisir à vous éduquer en sorte de devenir un idiot. En premier lieu, c'est dans votre chair que vous le paierez. Et s'il y en a pour objecter que cette colère et cette résistance les troublent, qu'ils prennent donc leurs dispositions pour que l'on ne se fâche ni ne se révolte contre eux.
A y repenser maintenant, cela paraîtra absurde. Pourtant il existe certaines situations dans lesquelles nous finissons par penser qu'il nous reste pour unique consolation d'avancer avec la mort comme but. Ce type de pensée consolante n'advient sans doute que si la mort visée est lointaine. Moi, en tout cas, je crois que cette condition m'était nécessaire. Quand la mort est trop proche, elle ne peut constituer une consolation. C'est bien là la nature fatale de la mort.