Un roman d'initiation qui décrit l'occupation des années 40 par les yeux d'un adolescent de la France rurale, qu'on n'appelait pas encore périphérique. de belles pages sur ce lien spontané à la nature que l'exode rural a déconnecté et, surtout, une réflexion profonde sur la difficulté de conserver ses valeurs en temps de guerre, autant que faire se peut. Eternel dilemme auquel sont aujourd'hui confrontés les vaillants Ukrainiens.
Commenter  J’apprécie         10
Il avait tout fait pour résoudre cette impossible équation : garder ses valeurs, son humanité dans ce qu'on appelle la guerre, cette calamité qui depuis la nuit des temps déclenche un déferlement de fureur. Il avait donné des consignes strictes à ses soldats : les prisonniers allemands devaient être traités avec humanité, les blessés, amis ou ennemis, soignés de la même façon. La férocité des affrontements et la montée de la haine au cours des mois faisaient bien souvent vaciller ces évidences. Il devait être à tout instant vigilant. Les comportements individuels n'étaient pas toujours contrôlables et la rage éprouvée par beaucoup de ses compagnons devant les exactions nazies les poussait parfois à se relâcher et à se conduire comme leurs ennemis. La violence engendrait inexorablement la violence. Il devait se rendre à l'évidence : dans la guerre, il devenait possible que personne ne fût du bon côté. Peu importait le camp des protagonistes : nul n'en ressortait innocent.
Mon oncle Léon m'attendait à la gare de Montjotin. Je savais que nous aurions encore trois kilomètres de côtes à escalader à pied, dans des chemins caillouteux et ravinés. Il prit ma valise et nous eûmes une importante conversation pendant le trajet sur les événements que le monde était en vivre. Il discutait à sa manière, avec peu de mots, mais beaucoup de tendresse. Léon était à l'opposé de mon père qu'il n'évoquait jamais. Il était sec et de haute taille. Son vocabulaire était choisi, il employait toujours l'expression juste et conversait avec beaucoup de douceur. L'école de la république s'était pour lui arrêtée à douze ans, mais il en était sorti avec des éléments de connaissance solides, une grande rigueur de raisonnement et un sens moral à toute épreuve.