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EAN : 9782070415069
120 pages
Gallimard (03/11/2000)
4.15/5   258 notes
Résumé :
"Geai était morte depuis deux mille trois cent quarante-deux jours quand elle commença à sourire." Geai, un conte dont le héros est un enfant rêveur qui connaît une complicité enthousiaste avec le fantôme d'une femme morte depuis longtemps. "Geai, c'est un chant qui vient de l'enfance, et qui y retour=ne, pour rejoindre cet amour qui manque à tout amour" explique l'auteur.
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
4,15

sur 258 notes
Lire Bobin c'est toujours pénétrer dans une étrange clarté, flirter avec le monde à le survoler dans la légèreté d'un nuage ou y descendre dans la fraîcheur d'un flocon de neige. C'est toujours flotter. Flotter entre deux quelques choses, entre ciel et terre, entre rêve et réel, entre émerveillement et silence, entre odeurs et parfums, entre soie et lin, entre soi et l'autre, entre soi et soi.
C'est toujours être « à l'affleure » de quelque chose, de l'enfance ré-approchée, de l'âme ré-insufflée, d'un rien illuminé par un rien de plume éclairante.

Bobin : une lumière de lune dans la nuit du monde.

Lire Bobin, c'est passer par la petite porte, dans l'entrebâillement d'une vie, d'un personnage ou d'un coquelicot, en diffracter les couleurs pour nous en offrir tout l'arc-en-ciel.
C'est toujours par-dessus son épaule, épurés, qu'on lit la transparence évidente du jour.
Spectateur silencieux du monde, celui des petites choses, il sait dire le simple magnifié, l'immobile animé, la nudité sublimée.
C'est un magicien de l'instant, une fourmillante solitude.

« Geai » n'échappe pas à cette lumière.

Tout y commence par un sourire. Un sourire dans une robe de coton rouge, sourire noyé, prisonnier des eaux gelées d'un lac. C'est le sourire de Geai, morte depuis 2342 jours. C'est la puissance de ce sourire qui va transpercer, et la glace, et les yeux, et le coeur d'Albain, jeune enfant de 8 ans …
« Geai », c'est la rencontre de deux sourires.

Je n'aime pas raconter l'histoire d'un livre, j'ai l'impression alors d'enlever une partie du plaisir, d'entacher le charme d'une future lecture …
Je préfère en donner le ton ou le ressenti. Suggérer plutôt que raconter.

Ici, d'ailleurs, plus qu'une histoire, c'est une série de petits tableaux qui nous sont offerts, petits fragments de la vie d'Albain éclatés de rêveries, de contemplations, d'émerveillements, de « solitude » quasiment extatique, mais aussi de drôleries et d'excentricités.
Bobin, ce n'est pas la « guimauve », la mièvrerie ou la léthargie dont l'affublent certains critiques (pour sur, il ne faut pas s'attendre à un thriller …). Son éditeur dit de lui qu' « il fait entrer une sorte d'innocence et de candeur dans un monde où le cynisme a du succès ».
C'est exactement ça : Bobin c'est un coup de fraîcheur !
Et tout reste question de regards : « le simple », aussi, peut être source d'évasion, « le tranquille », riche, surprenant, touchant, passionnant et même comique !

« Geai », c'est ce doux mélange bariolé qui a coloré mon moment de lecture.
Je l'aurai souhaité un peu plus long …
Sans doute pour y prolonger mon propre sourire.
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Un petit bijou ! Un livre court, très vite lu et pourtant si riche. Une magnifique réflexion sur la vie et la mort, sur le regard et donc inévitablement le jugement que les autres portent sur nous, sur le rêve et l'évasion, sur l'incompréhension du monde alentour dès qu'une personne se place en marge de la société et sur bien d'autres choses encore. Albain est de ceux-ci, une personne qui n'est justement pas comme les autres. Doux rêveur, un peu trop au goût de ses parents, paresseux il est vrai mais aussi extrêmement sensible à tout ce qui l'entoure...une sensibilité et une imagination débordantes à tel point qu'il est qualifié "d'idiot" par les gens de son village. Il est vrai qu'Albain est le seul à voir Geai, la dame en rouge dans le lac de Saint-Sixte, prisonnière des glaces. Celle-ci commence par lui sourire, puis ce seront des paroles qui s'ensuivront et enfin une véritable cohabitation. Elle l'accompagnera partout où il va et lorsqu'Albain lui parlera, beaucoup, le voyant parler seul, se conforteront dans leur idée qu'Albain n'est qu'un fou. Désespéré de ne pas le voir travailler, ses parents l'enverront tout d'abord accompagner un marchand qui se déplace chez les gens afin de vendre des casseroles mais lui non plus ne l'a pas compris. Albain trouvera enfin sa vocation chez un vieil antiquaire chez lequel il est chargé d'assurer la surveillance du magasin et de réparer les vieilles choses cassées. C'est dans cette boutique que sa vie, et celle de Geai, ou devrais-je plutôt dire sa mort car, pour ceux et celles qui ne l'auraient pas encore compris, Geai n'est qu'une apparition, une âme errante et pourtant tellement vrai aux yeux d'Albain, vont basculer.

Je ne vous en dirai pas plus car sinon, cela vous gâcherait le plaisir de découvrir ce qu'il va advenir de ces deux personnages, hors-normes (et ce n'est pas un vain mot). Prenez un peu de temps pour découvrir ce petit livre qui pourtant est rempli de merveilles...un petit livre qui dit tellement de choses essentielles sur la vie que l'on a trop tendance à oublier et en les oubliant, on oublie de vivre tout simplement. Savoir apprécier les plaisirs les plus simples, voilà l'une des grandes forces de cet ouvrage. A découvrir !
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Albain est un contemplatif. Il jouit du moment présent. Pour lui, les détails sont des trésors, les choses inutiles de l'or. Il aime réparer les choses cassées, imaginer le passé des objets. Son regard est agile, il va droit au coeur. Il aime la paresse et l'ivresse de la vie. Il n'a besoin de rien, il a déjà tout. Il lui suffit d'ouvrir les yeux, sur un marronnier, un vieux lavoir, un coquelicot, un nuage, un sourire. Il flotte sur la vie, entre deux portes, aimant la vie, sans y trouver sa place. Il n'aime pas les fermetures, les cases, les boîtes d'allumettes géantes avec des étiquettes. Sa soif d'infini le porte au-delà de la vie, au-delà des barrières et des jugements. Conteur, violoniste, réparateur de jouets, vendeur de bonheur, philosophe frivole, il croque la vie comme une friandise.

On le traite de fou, d'idiot. Il fait peur car il ne fait rien comme tout le monde. Il ne pense pas à l'avenir, à « l'avoir ». Il n'a pas de craintes. Rien ne finit, tout recommence. Chaque jour est une nouvelle aventure. Albain est un sage qui prend tout avec légèreté et cela le rend heureux.

C'est le premier roman que je lis de cet auteur et je ne m'arrêterai pas en si bon chemin. Un petit livre qui en dit long, nous émerveille, nous emmène sur un nuage et nous raconte que le bonheur c'est simple finalement. Être soi, ici et maintenant.


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Albain, huit ans, est un doux rêveur qui contemple la nature, la vie. Il prend le temps pour tout observer même ce qui semble le plus banal. Et un jour, il voit un sourire au travers du lac gelé Saint-Sixte. Ce sourire dévoile un visage et une femme, une femme vêtue d'une belle robe rouge. Depuis ce jour Albain vient la voir tous les jours et ils se sourient, puis finissent par se parler. Elle s'appelle Geai et, elle est là, morte sous une couche de glace. Il est le seul à la voir. Geai n'est pas son vrai prénom, c'est celui qu'elle a donné quand il lui a demandé – Je trouve qu'il résume parfaitement cette histoire et son sens. Geai c'est un oiseau, l'oiseau est synonyme d'envol, de liberté -. Un père qui ne parle pas, dur, une mère aimante mais parfois absente, deux soeurs qui chahutent. Albain est dans son monde et il s'y sent bien. Geai est toujours là avec lui, elle a quitté le lac et le suit, le soutien tout le long de son enfance, il l'aime, elle l'aime.

Mais pour ce garçon hors norme, il est difficile de trouver sa place dans le monde : « C'est une vieille loi du monde, une loi écrite : celui qui a quelque chose en plus a, dans le même temps, quelque chose en moins. Albain a quelque chose en plus, il voit Geai. (…) le monde est quelque chose qu'Albain a en moins : il n'y trouve pas sa place. Il l'a cherché longtemps jusqu'au jour où il a compris qu'il n'en a jamais eu.« Et il n'a pas plus envie que ça d'en faire partie. Une révélation en regardant Laurel et Hardy a 10 ans : « Il y a le monde, puis le gros et enfin le maigre. le monde fait souffrir le gros qui a son tour fait souffrir le maigre. La vie ressemble à un film de Laurel et Hardy. Une chaîne de douleurs reçues et puis transmises. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse là-dedans ? Rien dans cette histoire ne m'intéresse. Je n'aime pas les gros teigneux ni les maigres geignards. Je préfère le sourire de Geai ou l'étincelle dans les yeux de ma mère quand elle revient de Lyon. Je préfère ce qui n'est pas dans le monde, ce qui flotte légèrement au-dessus, je préfère ne pas entrer dans le monde et rester sur le seuil – regarder, indéfiniment regarder, passionnément regarder, seulement regarder.«

On le prend pour un idiot dans son village lorsqu'il devient adulte, et ses parents, inquiets, le confient alors à un marchand pour qu'il apprenne le métier de vendeur. Contre toutes attentes Albain est un bon vendeur car il sait écouter les gens. Alors que les clients vont acheter au marchand pour le faire partir et avoir la paix, ils achètent à Albain pour le remercier de cette pause dans cette vie qui court toujours, un arrêt dans le temps savoureux, une discussion paisible. Albain refuse même certaines ventes à des gens qui ne roulent pas sur l'or. Il est un amoureux de la vie, et il aime les gens. « le vrai bonheur ce n'est pas la promesse de vente, le contrat signé. le vai bonheur c'est ça : un visage inconnu, et comment la parole peu à peu l'éclaire, le fait devenir familier, proche, magnifique, pur.«

C'est une incursion dans l'enfance, le cheminement vers le monde adulte, et qui nous interroge sur les raisons de notre existence, sur ce qui est essentiel ou non. Ce roman, plutôt un conte, nous raconte ce qu'est d'être hors norme, d'avoir des aspirations différentes et la place qu'on nous donne, ou pas. Il met en exergue la part de rêves et d'imaginaire qui est en nous, la part d'enfance qui nous suit, le choix que nous avons de notre façon d'exister, notre légitimité à l'unicité, à la différence. Qui sommes-nous ? Que faisons-nous ? Où allons-nous ? Comment et pourquoi ? Avons-nous le choix ?

Je vous laisse le soin de découvrir la suite de cette histoire qui a encore beaucoup à dire, vraiment beaucoup !

Une histoire pleine de douceur, de poésie et de beauté, un large sourire à la vie, je vous le conseille, c'est un coup de coeur pour moi. Les mots de Bobin reste toujours en moi après cette lecture que j'ai déjà terminée depuis plusieurs jours. le message, les messages de cette histoire résonnent en moi, une philosophie de vie, le droit d'être ce que nous sommes.
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C'est donc ma deuxième incursion dans le monde littéraire de Christian Bobin et j'avoue que j'ai fortement apprécié cette aventure.

Cette fois, une histoire tout du long. Une histoire de sourire, de contemplation, d'envie de vivre et de jouir de la vie.

Une autre vision du monde, tout en douceur, tout en sourire, tout en extase par le choix des mots.

Interrogative, aurais je pu vivre ainsi dans la contemplation, vivre l'instant présent comme Albain ?
Je ne le sais pas, j'essaie juste de provoquer ces moments, ces moments où on prend le temps de vivre pleinement et d'apprécier les choses de la vie, de les voir, qu'elles soient grandes ou petites puisque cette échelle de valeur varie de l'un à l'autre .... qu'est ce qui est grand ? qu'est ce qui est petit ?
Albain ne se poserait même pas la question, il serait juste heureux de contempler; de contempler le sourire de Geai et de s'ouvrir à la vie.
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Citations et extraits (106) Voir plus Ajouter une citation
"Quand on aime quelqu'un, on a toujours quelque chose à lui dire ou à lui écrire, jusqu'à la fin des temps."
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"La vie est un cadeau dont je défais les ficelles chaque matin, au réveil."
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« Le lac de Saint-Sixte est très sombre, même en été. Le lac de Saint-Sixte ignore l’innocence des étés. C’est une eau qui retient sa lumière, une eau verte et surtout noire qui fait de la rétention de lumière. Le ciel dégringole en bleu dans le lac, passe en vert puis coule en noir. Il y a plusieurs sortes de noirs dans le noir. Les eaux de Saint-Sixte sont d’un noir mauve, orageux, un noir comme dans les yeux des jaloux. Ce noir est là depuis qu’il y a de l’eau à Saint-Sixte. Et le sourire de Geai commence secrètement à le ronger, à le diluer, à l’allonger, et le sourire de Geai fait remonter en surface du lac de Saint-Sixte tout le bleu du ciel qui avait coulé dedans. C’est un pays de montagnes. En pays de montagnes, le bleu a une franchise absolue, une netteté blanche. Ce bleu, comment dire : il brûle et il lave. »
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Quand on aime quelqu'un, on a toujours quelque chose à lui dire ou à lui écrire, jusqu'à la fin des temps.

Est-ce qu'un sourire peut changer le cours d'une vie ? Voilà une bonne question. La preuve : elle continue de vivre bien après que l'on y a répondu, que cette réponse soit oui ou qu'elle soit non. Elle se moque de sa réponse. Elle file, vagabonde, musarde, bat des ailes - papillon de la question insoucieux du filet des réponses. Est-ce qu'un sourire, sachant qu'il ne dure jamais qu'un dixième de seconde, est assez solide pour y bâtir sa vie entière, des années et des années ? Pas de réponse, au diable les réponses, au diable les années et les années.

Le vrai bonheur, c'est çà : un visage inconnu, et comment la parole peu à peu l'éclaire, le fait devenir familier, proche, magnifique, pur.

Voir, entendre, aimer. La vie est un cadeau dont je défais les ficelles chaque matin, au réveil. La vie est un trésor dont je découvre le plus beau chaque soir, avant de fermer les paupières : Geai assise au pied du lit, souriante.
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Elle est agaçante, cette manie des adultes de s'adresser aux enfants en mettant plein de sucre dans leur langage -- au lieu de parler simplement, comme ils font entre eux. Mais peut-être, entre eux, ne parlent-ils pas simplement. Quand on aime quelqu'un, on a des choses à lui raconter jusqu'à la fin des temps : pourquoi j'ai cette phrase dans la tête ? Si elle est vraie, cette phrase, alors il y a un peu d'amour sur cette terre. [...]. Quand on aime quelqu'un, on a des choses à lui raconter jusqu'à la fin des temps.
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Vidéo de Christian Bobin
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ? Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire – Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche Son par Adrien Vicherat Direction technique par Guillaume Parra Captation par Claire Jarlan
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