C'est la rentrée sur Bookeenstore ! Notre libraire vous présente trois titres de la rentrée littéraire 2018 à ne pas manquer dans notre nouvelle vidéo.
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Les livres dont on vous parle dans cette vidéo :
- Isidore et les autres de Camille Bordas : http://bit.ly/2LNrPHW
- Un gentleman à Moscou d'Amor Towles : http://bit.ly/2C4nvEr
- La Purge d'Arthur Nesnidal : http://bit.ly/2LHWiGY
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Musique de fond : I Will Not Let You Let Me Down (Instrumental Version) by Josh Woodward (licence CC) http://bit.ly/2qSEksB
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J'étais persuadé que si je fuguais, ça ferait plaisir à ma mère. Elle se plaignait tout le temps qu'on était pas assez aventureux.
Ce que j'ai bien aimé, par contre, c'est que tout le monde à l'église avait l'air plutôt sympa et triste. Ça m'a changé de l'école, où c'est exactement le contraire. J'ai toujours pensé que j'étais le plus triste de ma classe (enfin, deuxième derrière Denise Galet), et voir que toute cette tristesse pouvait devenir un trait normal à l'âge adulte, ça m'a donné espoir.
C'est souvent comme ça. Je pense à mes parents, disons, continuellement, mais toujours de cette façon, dans des situations presque triviales. A de très rares moments je parviens, comme au travers d'un rideau, à voir leur mort en face, avec tout ce que cela induit d'angoisses, de plus jamais. Mais c'est beaucoup trop violent. Je ne réalise qu'ils sont partis, vraiment partis, que quelques secondes par jour, et ces secondes sont comme ces cris silencieux qu'on pousse dans un cauchemar, comme des châteaux de cartes qui s'effondrent après tant d'efforts pour repousser l'image inacceptable de la disparition.
Le thé avait trop infusé, il avait un goût de pièces de monnaie qu'on aurait plongées dans de la grenadine.
Vu que notre jardin était le plus mal entretenu du quartier (sa seule gloire était le cerisier, mais c'était pas grâce à nous qu'il survivait, il se debrouillait tout seul), mon état des lieux hebdomadaire était pas beaucoup plus palpitant que l'ennui que je cherchais à fuir en sortant de la maison. A vrai dire, je m'ennuyais autant dehors que dedans, mais disons qu'au moins le silence du jardin était moins pesant que le silence de la maison.
J'ai le sentiment qu'en ce point précis du globe, le temps s'arrête, qu'il est strictement impossible que quelqu'un puisse penser à moi tant que je resterai assise là, et malgré ce sentiment, je n'ai pas envie de partir. C'est peut-être mieux qu'on ne pense pas à moi. C'est plus simple. Plus confortable. Si personne ne pense à moi, eh bien cela signifie que je n'ai plus à le faire non plus.
Le salon ressemblait à une salle d'attente. Il y avait plusieurs tables basses avec des magazines. Des soucoupes en verre remplies de bonbons emballés individuellement. On avait jamais eu de magazines à la maison. C'est sans doute pour ça qu'on avait pas de table basse, d'ailleurs.
Le mot "amour", les gens aiment bien parce que c'est festif, ça sonne bien, c'est comme "champagne" : rien que de dire le mot, t'entends sauter le bouchon.
J'avais jamais vraiment compris le concept de la récré, son intérêt, sa raison d'être, pourquoi c'était si long. Je passais la récré seul, en général, dans une cage d'escalier isolée, à faire semblant de finir un devoir à la dernière minute au cas où quelqu'un me verrait, qu'il ne pense pas que j'étais juste là à regarder dans le vide, mais ça ne pouvait pas marcher le jour de la rentrée.
Maman mangeait dans des assiettes bleues, parce qu'elle avait lu quelque part que la vaisselle bleue coupait l'appétit, et elle disait toujours qu'elle avait deux kilos à perdre. Ce soir-là, elle avait fait du poisson blanc, et le poisson blanc, on pouvait en manger autant qu'on voulait sans prendre un gramme, d'après elle, mais elle s'était quand même mis une assiette bleue.