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Citations sur La tempête (11)

Elles restent au bord des mots. Louise n'est pas étrangère au désordre que ressent Grace. Et pourtant la jeune femme ne lui en veut pas. Son regard qui lit les évidences, sa manière de croire que tout peut advenir, elle à qui tant de choses ont été refusées, lui sont une forme de réconfort.
- Je ne sais plus où j'en suis, Louise.
Grace a parlé en avalant les mots. C'est nouveau pour elle, un aveu à ce point d'impudeur. Elle fixe le verre dans lequel Louise fabrique une autre bougie de fortune.
-Où vous êtes-vous perdue, ma petite Grace ?
Grace entend bien les paroles de Louise. Mais elle est incapable de répondre. Un sortilège l'a certainement frappée lorsqu'elle a aperçu un énergumène se démener sur le toit d'une église avec une bâche qui claquait au vent, tel le skipper d'un voilier de granit. Un enchantement l'a ensorcelée dès son arrivée dans le village fantôme et l'a conduite jusqu'ici comme dans une nasse pour l'y retenir prisonnière. Elle n'a plus que ce genre d'explications, Grace. Des idées d'enfant, puériles puisque ses pensées d'adulte n'ont plus prise sur ce qui arrive.
- Je ne sais pas, Louise. Je ne sais pas.....
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Elle sait qu'elle en fait trop. Mais c'est ainsi. Elle a été entraînée à ce roulement de mots, d'idées, cet art tauromachique de la conversation, de l'autodérision qui n'en est pas et qui dissimule toujours des allusions tranchantes. Elle est comme tous ceux qui travaillent avec elle, un peu convulsive, un peu surmenée. Oui, c'est cela, elle agit comme ces gens qui n'ont connu que le surmenage pendant des années. S'arrêter, s'immobiliser leur est devenu impossible. Sans mouvement, ils craignent mourir. Ils ne croient plus suffisamment en eux pour paresser.
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Grace s'approche. Elle aimerait se joindre à ces propos de femmes. Elle a du mal, ne sachant par où attraper une phrase pour s'en saisir et entamer le partage des mots qui précède celui des idées. Elle ne veut surtout rien brusquer. D'ailleurs, en toute autre circonstance, elle aurait fui ces bavardages, ces commérages comme elle les aurait nommés.
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Grace regarde par la vitre latérale de la voiture. Depuis quelques kilomètres, la route s'élève sur les contreforts de plateau de Millevaches, sinueuses, hésitante, cabrées en raidillons qui contraignent Christopher à changer de vitesse. Sous la pluie, les virages sans parapet surplombent les des ravins déjà plongés dans le crépuscule. Des massifs forestiers impénétrables et sombres comme des abysses engloutissent le peu de clarté qui reste accroché au ciel. Aucun point de lumière dans cette immensité douloureuse, aucune étoile, aucun village, nulle fenêtre. Grace est absorbée dans la contemplation de ce vide. Insidieusement un abîme se creuse en elle.
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Le paysage change. A peine ont-ils quitté le croisement que la route s'enfonce en forêt. Dans la lumière blanche des phares, on devine des milliers de troncs noirs alignés dans un ordre trop rigoureux pour ne pas être artificiel. Ce sont des sapins. Grace en est certaine, bien qu'elle n'y connaisse rien, à l'odeur de résine qui lui parvient par l'air recyclé de la voiture. Lorsqu'elle court, les dimanches matins dans Central Park, elle est sensible à ce qui émane des arbres. Leur couleur de feu en automne, leur ombre au printemps, la paix qui s'en dégage à quelques centaines de mètres seulement des automobiles. Ce sont des arbres domestiqués, des arbres en cage dans un décor, cernés d'allées et de bancs publics, sous la surveillance des jardiniers. Ici, c'est différent, infiniment sauvage, et Grace a l'impression de se glisser entre les rangs serrés d'une armée de géants. Ici, la nuit est plus sombre, les ténèbres menaçantes. A tout instant pourraient surgir de cette multitude des créatures étranges.
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Toutes les forêts ont une lisière, tous les océans finissent sur une grève.
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- Fais attention ! dit Louise qui se relève en prenant appui sur le linteau de la cheminée. Surtout, fais bien attention. Il n'y a rien de plus méchant que ces arbres blessés.
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Les ébréchures du bol posé devant elle détournent l'attention de Grace. Ce bol est une pièce de musée qu'on aurait envie de manipuler avec des gants et un masque sur la bouche. Il devait faire partie de ceux qu'on n'a pu embarquer, faute de place, sur le Mayflower. Grace n'a jamais porté à ses lèvres une chose aussi vieille, aussi répugnante. Elle est là, à le contempler fixement en silence, lorsque Louise verse le café...La jeune femme ferme les yeux, muette, murée dans sa difficulté à admettre qu'elle est projetée dans un monde sans manière, sans délicatesse, tout entier tourné sur le passé.
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Contrairement à Christopher qui paraît goûter la trêve, elle s'impatiente de ce temps perdu. A plusieurs reprises, elle se lève pour manipuler l'interrupteur de la chambre. La pénombre gagne peu à peu. Inexorablement, une obscurité de caveau remplit la pièce de ses pans de velours noir.
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