Souvent je sais à peu près ce que je vais rédiger pour critiquer un livre que je viens de lire. Pour ce livre, je suis un peu hésitante.
Dans la mesure où j'ai repensé à cette lecture, je pense que ce roman a de la valeur (un bon livre n'est-il pas un livre qui vous poursuit ?). Toutefois il m'a laissé un certain malaise d'où mon hésitation à rédiger une critique positive.
Au début, la romancière nous raconte le quotidien plutôt banal de Paul, homme seul et encore jeune, souffrant d'une apparence disgracieuse. Cet anti héros exerçant le métier de postier a un physique ingrat mais un bon fond. Laid à l'extérieur mais beau à l'intérieur comme on dit. Aussi le lecteur a de l'empathie pour lui, espère que cet homme va rencontrer l'amour qu'il recherche.
Et justement cet homme tombe très amoureux de sa nouvelle voisine, Mylène, qui se remet à peine d'un chagrin d'amour. Habilement, Paul va se rapprocher de cette très belle jeune femme blonde qui semble pourtant inaccessible. Ils se retrouvent chaque soir après le travail. Va-t-elle céder à Paul ? Peut-être…
Mais Mylène ne fera que passer. C'est une autre femme Angélique, une collègue postière plus « ordinaire » a priori, qui va rentrer dans la vie de Paul et le révéler sous un jour inattendu.
Et c'est là que je me suis trouvée frustrée car ce roman explore deux thèm,es qui auraient à mon sens mérité deux romans différents. le thème de la laideur, peu exploité dans la fiction, n'est qu'ébauché dans ce livre car le thème de la violence masculine prend très vite le pas.
Paul n'est plus tant un homme laid (qui cependant parvient à séduire) qu'un homme violent. La laideur morale prend le pas sur la laideur physique sans transition. Aussi, le personnage de Paul devient insaisissable. Et le thème de la beauté intérieure en contradiction avec la laideur extérieure est abandonné alors qu'il était une piste intéressante en soi.
Par ailleurs, la question des violences masculines, au coeur de nombreuses fictions actuelles, me semble toujours traitée d'une façon caricaturale, trop simpliste. La femme pure victime innocente et l'homme monstrueux, toujours ce même schéma sans nuances devient lassant même s'il correspond à une réalité. Ce point de vue est certes très personnel.
L'intérêt de ce livre est toutefois de montrer le cheminement de deux personnages à qui la vie n'a pas souri. Angélique, mère célibataire, femme idéaliste un peu naïve au physique pulpeux, attire des hommes peu respectueux de sa personne mais elle va parvenir à modifier son image, à reprendre sa vie en mains. Paul, quant à lui, accepte de reconnaitre sa violence et de se soigner pour devenir un homme plus apaisé.
Tous deux veulent changer. Lui veut faire mentir l'atavisme familial, maitriser ses pulsions mauvaises. Elle, veut devenir autonome, se défaire de son image d'objet sexuel à la merci des hommes. Se retrouveront-ils à la fin du livre ? Au lecteur de le découvrir.
En conclusion, ce livre dense, plutôt bien écrit n'est pas inintéressant. Il est même assez prenant, surtout au début car la fin est un peu confuse.
Bénédicte Soymier a l'art de saisir ses personnages, les rendre vivants, réels. Enfin, le vécu de Paul et Angélique ne peut laisser indifférent. Mais ce roman m'a aussi dérangée et parfois agacée sans que je sache vraiment expliquer pourquoi.