J'ai lu
Spinoza.
Là, d'emblée ça envoie du lourd, non ?
Bon, « j'ai compris
Spinoza » aurait tout de même plus de prestige.
Mais chaque chose en son temps.
Je le sentais moyen, ayant parcouru la préface annonçant une lecture difficile, rendue encore plus ardue par le parti pris du traducteur qui justifiait sa volonté de coller au plus près du texte original une glose hermétique.
Je confirme : avaler le penseur batave n'est pas à la portée de tout le monde.
Personne du reste n'envisagerait de courir un marathon s'il n'est capable que d'aller de sa chambre au salon.
Ethique se compose de cinq parties.
Dans la première,
Spinoza parle de Dieu, plus exactement il entend prouver mathématiquement son existence – tout le livre est basé sur ces démonstrations : nous sommes au siècle de
Descartes, ne l'oublions pas.
Ca commence mal. Je n'ai jamais compris pourquoi un philosophe, penseur raisonnable estimant que les questions sont le plus souvent plus importantes que les réponses, dont le doute est sa force motrice, s'acharne à prouver l'existence de la croyance la plus basique. Un être supérieur qui aurait réponse à tout, qui serait Tout.
Je soupçonne une explication toute simple : à cette époque, on ne rigolait pas trop avec les idées nouvelles, subversives, anticonformistes et je devine que certains ont préféré adhérer à la pensée globale, tout en lui donnant des airs cartésiens. Croire en Dieu, oui, mais prouvé scientifiquement, du moins mathématiquement. Question de survie… ou de lâcheté.
Cependant, quelque chose m'a troublé. Si, dans la première partie,
Spinoza parle sans détour de Dieu, dans les autres (où il entend lister et expliquer les émotions et sentiments purement humains en offrant une sorte de manuel pour s'affranchir de ces émotions qui nous pourrissent la vie), à plusieurs reprises, il écrit « Dieu ou la Nature ».
Ah, ah, Dieu ne serait-il plus seul maitre à bord ?
Et là, ce fut la Révélation.
Pari gagné pour
Spinoza puisque, à 57 ans, je peux l'affirmer : c'est en le lisant que je me suis mis à croire en Dieu. Enfin, je me suis rendu compte que j'y croyais depuis pas mal d'années… peut-être depuis toujours, sans m'en rendre compte !
Dieu est partout, omnipotent et tout puissant.
Il y a quelque chose qui correspond tout à fait à cette définition : la Nature ! Mon Dieu, à qui je dois respect et amour, n'est rien d'autre que tout ce qui m'entoure, la moindre molécule, le plus petit atome et, jamais au grand jamais, je ne dois lui être supérieur.
« On ne commande à la nature qu'en lui obéissant ».
Ainsi, même si vous ne comprenez pas toute la pensée d'un philosophe obscur, même si les mots évoquent mal les images (comme dans tout bon traité,
Spinoza ne donne pas d'exemples, il reste essentiellement théorique), même si la glose est impénétrable, même si les concepts vous échappent, il y a toujours quelque chose à extraire d'un manuel de philosophie – j'oserais ajouter : de tout livre. Les idées des autres aident à nous faire réfléchir, comme dans une partie de tennis où l'on ne saurait jamais, à l'avance, quand où et comment la balle va rebondir.