Je suis sorcière. Mes sœurs sont sorcières. Mes meilleures amies sont sorcières. Croyez-vous que je souhaite voir les filles comme nous se faire brûler vives, ou noyer, ou pendre ? Je donnerai cher pour savoir comment mettre fin à ces atrocités, mais je n'en sais rien.
On dit que les nations sont façonnées par les guerres ; il se pourrait que les femmes aussi.
La première mesure, en vigueur immédiatement, est l'interdiction faite aux femmes de travailler hors du foyer.
(...)
La seconde mesure, également en vigueur sans délai, est l'interdiction faite, à partir de ce jour, d'apprendre à lire aux filles. Nous ne pouvons rien, il va de soi, pour celles qui ont déjà appris, mais à l'avenir nous bannissons cet apprentissage, aussi inutile que dangereux.
À quoi bon tous mes pouvoirs si je ne peux même pas venir en aide à ceux que j'aime ?
"Les temps sont bien sombres pour les Filles de Perséphone, Miss Cahill, commence-t-elle sans préambule. Et sombres, ils le seront plus encore avant que cette ténébreuse période prenne fin. Les Frères nous ont rappelé ce soir de quoi ils sont capables."
Ce n'est pas être dégonflée que de vouloir considérer tous les aspects d'une situation plutôt que de se lancer à l'aveuglette.
Ne fais pas cette tête. On va s’en tirer, me dit Tess avec un sourire confiant. Ensemble, toi et moi, je crois qu’on pourrait venir à bout de n’importe quoi.
Une vie sans livre ? Je ne l'imagine même pas. Une vie sans les récits de Père sur les dieux et les déesses de la Grèce Antique ; sans histoires de pirates ; sans contes de fées ; sans poèmes. Sans l'espoir d'un Ailleurs ni d'un Autrement, ni d'une autre liberté. Sans aventures, sans découvertes au-delà de l'ici et maintenant. Quelle sombre vie ce serait. Je songe à ce que j'aime, en qui j'ai entière confiance. Maura. Tess. Finn. Marianne. Tous lecteurs insatiables. En quoi ce nouveau décret va-t-il affecter leurs vies ?
Je suis seule, absolument seule au milieu d'un tourbillon blanc.
Et sans doute faut-il qu'il en soit ainsi.
"Vous ne pouvez pas infliger un mal à partir de rien, mais vous pouvez grandement l'amplifier. Je ne cherche pas à vous faire peur, Cate. Vous commencez seulement à entrevoir l'étendue de vos dons. Ce que nous pouvons faire de ceux-ci... En de bonnes mains, ils sont une bénédiction. Les prêtres et les médecins parlent souvent de vocation pour qualifier leur tâche. J'en dirais autant de la mienne. Que l'appel soit venu de Seigneur ou de Perséphone ou de qui que ce soit, quoi que ce soit d'autre - je n'en sais rien mais j'en suis reconnaissante. [...]
Une bénédiction, nos dons de magie ? Jusqu'ici, j'avais toujours perçu les miens comme une malédiction, plutôt. Ces derniers temps, pourtant, je me disais que le don de guérir était différent. Moins ambigu que le pouvoir d'intrusion mentale, par exemple. Une façon de se rendre utile, de démontrer que les Frères ont tort de décréter maléfique toute magie. Je comprends maintenant qu'il ne diffère pas des autres dons : tout dépend de la personne qui en use.